Laurent Cabassu, Black Star : « Nous visons 300 000 Leonard en production »

Sauf que depuis 2019 et la reprise surprise de l’usine Black Star à Saint-Pierre-de-Bœuf (42) par Jean-Baptiste Pieret (lire Le rechapé en TC4 reprend vie), le réemploi est dans l’ère du temps, poussé par une réglementation obligeante. Le pneu reconditionné en VL pourrait fort bien se hisser au même niveau qu’un pneu rechapé PL (40 % du marché industriel)...c’est en tous cas le défi que s’est lancé l’investisseur avec le site historique de Black-Star. Ce dernier produit encore 100 000 pneus rechapés par an sur des produits de niche comme les pneus hors route. Alors quatre ans plus tard, l’entrée au capital de Mobivia (2020) et l’opportunité de s’installer dans l’ancienne usine OE de Béthune, fermée par Bridgestone en 2021, ont permis de sortir le pneu reconditionné d'un périmètre restreint. « En implantant une deuxième ligne de production à Béthune, nous revalorisons une friche industrielle et revitalisons un territoire. Nous réinstallons un écosystème autour de la seconde vie du pneumatique et du réemploi, à tous points de vue », réaffirme Jean-Baptiste Pieret. 

Bridgestone a accompagné le projet en laissant une partie de l’outil industriel et en cédant ses droits sur d’anciens profils Firestone. D’anciens salariés ont été repris (le site emploie une centaine de personnes aujourd’hui, sur les 850 postes supprimés) et redonnent partiellement vie à l’usine puisque Black-Star est locataire d'une partie des bâtiments. Et depuis avril 2023, le nouveau pneu VL reconditionné (lire Mobivia et Black-Star lancent Leonard) arrive au bout d'une chaîne quasi industrielle (voir photos) : commercialisé avec 80 dimensions disponibles (70 % du marché) en Tourisme et VUL, de 14 à 17'', en Été et Quatre Saisons, Léonard est fabriqué avec 80 % de matières premières recyclées et des carcasses sourcées localement, et annonce jusqu’à 63 % d’émissions de CO₂ économisées lors de sa fabrication. Ce pneu est majoritairement écoulé via Norauto France (80 % des volumes) et dans une moindre mesure, Norauto en Espagne, en Italie, au Portugal et en Belgique. Depuis quelques semaines, Leonard a démarré une carrière dans d’autres canaux de distribution : enseignes spécialisées comme Speedy, BestDrive, Euromaster et Eurotyre, « sachant que chacune appartient à un manufacturier », ironise Laurent Cabassu, le directeur général de Black Star (passé par Pirelli pendant plus de vingt ans), mais aussi chez Districash ou encore Valused, la plateforme dédiée au réemploi. Point d’orgue d’une période fertile, la signature du partenariat exclusif avec le groupe Renault qui arrive à point nommé pour Black Star (lire encadré). Au total, tous réseaux confondus, Leonard est distribué dans plus de 6000 points de vente à ce jour en France. 
 

Il faut dire que l’intérêt du marché pour le pneu reconditionné est largement accéléré par la réglementation encadrant l’économie circulaire. Depuis 2020, la loi Agec (art. L. 2172-6) oblige en effet les collectivités locales à s’équiper en pneus rechapés au moment du renouvellement. C'est ainsi que la métropole lilloise, la Ville de Roubaix ou encore la Ville de Paris, le Département de Gironde… ont toqué à la porte de l'usine de Béthune pour en savoir un peu plus sur ce pneu reconditionné Made In France. La liste des acheteurs publiques s’allonge tandis que les politiques RSE des clients des loueurs longue durée (Arval, LeasePlan…) accélèrent aussi le mouvement. 

Vendu 40 % moins cher qu’un pneu Premium, le pneu Leonard est positionné sur le segment bas du Tier 2 (Kléber par exemple) ou le haut du Tier 3. « Nous sommes parfaitement dans la promesse de ce segment. Tout est question de compromis entre la performance de conduite et la résistance au roulement. Et Leonard n’a pas à rougir de ses performances face à ses concurrents ! », lance Laurent Cabassu. Actuellement, 60 000 pneus reconditionnés ont été remis à la route et le DG vise les 300 000 enveloppes, sur un renouvellement annuel en France de 40 millions d’unités. « Ce qui nous laisse une belle place à prendre ! », conclut-il.