Tom Adams : « Bridgestone n’est plus un manufacturier traditionnel »
La transition vers l’électrique est un accélérateur pour le manufacturier qui ne se considère plus comme un fournisseur traditionnel de pneumatiques mais un apporteur de solutions de mobilité ! Une mutation obligée rimant avec démarcation assumée pour Tom Adams, le directeur général France et Benelux de Bridgestone...
Peut-on vraiment parler de mutation de votre ADN de manufacturier ?
Oui, car nous assumons des choix conduits par le développement durable en général et l’électrification croissante des véhicules en particulier. Nous développons dorénavant tous nos pneumatiques sur notre plateforme technologique Enliten. Celle-ci vise à réduire le poids de nos pneus, de nos émissions de CO2, la consommation de carburant… C’est une décision stratégique même si le parc reste encore très thermique, mais elle nous différencie avec l’arrivée des véhicules électriques. Enliten pèse déjà 10 % du CA mondial en remplacement, avec une projection à 20 % fin 2024 et 70 % en 2026 ! Ensuite, nous nous ancrons encore davantage auprès des flottes avec le rachat de TomTom Telematics, rebaptisé Webfleet, pour la gestion des parcs VP et PL. L’objectif est d’apporter de multiples solutions de mobilité aux gestionnaires. Cette transition s’opère aussi pour nos réseaux de réparation ! Speedy a ainsi été choisi par le constructeur Fisker pour la maintenance de ses véhicules électriques en France et nos deux réseaux allemands PitStop et Reiff-ABS. À terme, cela devrait également créer un appel d’air et de nouveaux business pour notre enseigne de pneumaticiens First Stop. Les leviers sont nombreux avec ces constructeurs en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. Bridgestone n’est plus un manufacturier traditionnel mais un apporteur de solutions globales.
Vous assurez qu’en 2030, Bridgestone utilisera 40 % de matériaux recyclables, une autre démarcation ?
Oui, avec l’objectif ultime des 100 % en 2050 et la neutralité carbone. C’est un travail de longue haleine car nous travaillons sur l’approvisionnement, la production, la R&D et la logistique, qui représentent 13 % du cycle de vie d’un pneumatique, mais aussi son utilisation, très émettrice de CO2, qui représente 87 % ! Nous devons travailler sur ces deux axes en nous concentrant sur la réduction du poids du pneumatique (jusqu'à 20 %) pour réduire la résistance au roulement ou encore la longévité (jusqu'à 30 %), selon le cahier des charges du constructeur. Nous nous engageons enfin vers du développement virtuel de nos enveloppes qui permet de réduire de 60 % les émissions de CO2 dans la phase de développement. Cette technologie analyse et indique très précisément les performances de chaque enveloppe.
Vous annoncez une collaboration inédite avec Michelin également !
En effet, nous travaillons d’arrache-pied pour mettre en place des process industriels, basés notamment sur l’utilisation de noir de carbone recyclé ainsi que des normes pour élargir cette application à l’échelle mondiale. Nous sommes ainsi associés avec Michelin depuis deux ans pour promouvoir l’utilisation du carbone recyclé. C’est une première, mais il faut que l’industrie manufacturière avance encore plus vite sur le sujet. Et nous pouvons imaginer que l’acier, l’huile… seront également recyclés à terme. Nous planchons également pour réduire notre dépendance à l’hévéa, caoutchouc naturel extrait en Asie du Sud-Est, avec la résine de guayule, alternative résistante et peu consommatrice d’eau, et surtout commercialisable dès 2030 ! Toutes ces innovations durables, ajoutées à celles sur les mobilités et les solutions que nous apportons, ou les enveloppes Premium que nous fabriquons, sont de vrais leviers qui nous détachent un peu plus de la concurrence, sachant que nous ne nous positionnerons jamais sur le terrain du prix bas, stratégie trop court-termiste. Notre démarcation se joue sur le terrain de l'innovation.