2023 solide, 2024… liquide ?

Jérémie Morvan
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Atelier PL

Retournement de marché ! Après une année 2023 faste pour le négoce et la réparation, le secteur du poids lourd a subi un net coup d’arrêt sur ce premier semestre. Entre TRM en berne et développement des « alternatives prix », la distribution indépendante risque bien de devoir jouer à l’équilibrisme en 2024…

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Selon le baromètre d’activité Feda/Xerfi, la distribution PL a clos 2023 à + 7 %, dans un exercice marqué par une inflation autrement plus contenue qu’en 2021-2022. L’activité aura donc été solide, malgré un dernier trimestre laissant déjà augurer un ralentissement que les principaux acteurs du marché ont tous pu constater sur le premier semestre 2024. Ce même baromètre Feda/Xerfi relève en effet un repli de 2 % au T1 2024. Dans le détail, la distribution de pièces décroche de 3 %, celle des équipements et outillage d'un inquiétant 11,5 %. Quant à la croissance de 4,4 % des prestations atelier, elle ne permet pas de redresser l'indicateur PL dans le vert.

Transporteurs dans l’expectative

La dernière note de conjoncture de la FNTR portant sur le T1 2024 relève en parallèle que le baromètre du moral des chefs d’entreprise est à son plus bas historique, équivalent à celui enregistré durant la pandémie, en raison de la baisse d’activité qui retrouve elle aussi son niveau de sortie de Covid-19 (avec des véhicules immobilisés sur parc) et des marges comprimées par la hausse des coûts du transport et la faiblesse de ses prix. Les investissements sont freinés – voire gelés. Résultat : après une solide année 2023 à + 11,2 % (48 864 immatriculations), le marché VN pourrait bien caler en 2024, voire se retourner… Sur la base de ses résultats semestriels, l’Observatoire du véhicule Industriel indique que, si le marché VN est encore en croissance au S1 (+ 5,4 %), la seconde moitié de l’année sera impacté par des carnets de commande en très nette baisse depuis plusieurs mois. Et aboutir à un exercice au mieux à l’équilibre, au pire à - 8 %...

MDD en vogue

Cette tension se ressent aussi dans l’entretien, notamment le mix des pièces vendues sur le marché de la rechange, avec une montée en puissance significative des MDD ou « marques B ». Les groupements et distributeurs confirment que les clients transporteurs ont cherché l’an dernier « du prix », optant d’autant plus facilement pour ces alternatives aux pièces d’équipementiers premium que le parc roulant vieillit. Autodistribution a significativement enrichi son programme Isotech : après avoir doublé l’offre entre 2022 et 2023, le programme a encore été doublé au S1 2024 pour dépasser les 1 000 références. « À travers cette offre, il s’agit d’aller chercher des clients de plus en plus regardants sur les prix, sans leur proposer du low cost. On est très vigilant sur le rapport qualité-prix des produits », précise Guillaume Faurès, directeur de l'activité PL Autodistribution. NAPA, marque privée du groupe GPC, a elle aussi bien grandi avec, en 2023, une gamme de réservoirs d’air freinage, une gamme d’huiles présentée sur Solutrans et, cette année, le lancement d’une offre de sangles d’arrimage ou encore d’une gamme liaison au sol. Thibault Castellanos, DG de Norca, annonce de son côté une croissance de plus de 30 % en 2023 sur sa MDD éponyme !

Tensions sur l’emploi

Autre problématique qui perdure : le secteur peine toujours à recruter, pris entre une pyramide des âges défavorable – 15 % des salariés du secteur ont plus de 55 ans – et le manque d’attractivité de ses métiers. Certes, avec 5628 jeunes inscrits à la rentrée 2023-2024, les effectifs ont enregistré une hausse de 4 % par rapport à la rentrée précédente… Reste qu’avec ces chiffres, le secteur est loin du compte. Selon une enquête réalisée par l’ANFA en 2023, 40 % des offres d’emploi n’avaient pas été satisfaites l’année précédente. Et les entreprises de maintenance peinent à se développer : 75 % des embauches concernent en effet le remplacement d’un collaborateur parti à la retraite ou ayant démissionné. Aussi les groupements nouent-ils des partenariats avec des écoles pour disposer d’un vivier de futurs collaborateurs, lorsqu’ils ne dupliquent pas leur académie de formation VL sur le segment PL, comme Autodistribution l’a fait en ce début d’année.

Le verdissement du parc plus lent que prévu

Sur le marché VN, la transition écologique se fait attendre, note la CSIAM dans son bilan de l’année 2023. Les poids lourds diesel ont encore représenté 92,25 % des immatriculations, contre 1,13 % seulement pour les véhicules électriques. Leurs volumes sont certes en progression de 304 %, mais n’auront représenté que 553 immatriculations ! À travers son étude prospective VIsion’Air, la FFC estime d’ailleurs que l’objectif affiché par les constructeurs de vendre la moitié de leurs VN avec des technologies zéro émission à horizon 2030 ne seront pas tenables. Selon ses projections, leur taux de pénétration devrait plutôt se situer entre 35 et 40 %...

Jérémie Morvan
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