CNPA : la « cause commune » de la difficile relation réparateur-assureur

Romain Thirion
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Pour sa première conférence de presse en tant que président du CNPA, Francis Bartholomé a affirmé la détermination de l’organisation professionnelle à régler le problème du poids des "agréments" d’assurance sur la rentabilité des carrossiers. Le sujet a même été désigné "cause commune" par le bureau exécutif du syndicat. Et le recours à la DGCCRF sur le dossier AXA-Nobilas, lui, a été confirmé.
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C’est entouré des présidents des branches Carrosserie, Distributeurs de carburant, Recycleurs et Auto-écoles que Francis Bartholomé s’est exprimé publiquement pour la première fois en tant que président national du CNPA, ce jeudi 16 octobre, lors du Mondial de l’Automobile. Élu en juin dernier, celui-ci a pris son temps pour préparer cette première sortie et établir l’ordre du jour le plus clair possible dans les actions à mener par la chambre syndicale. Et au premier rang d’entre elles, rétablir l’équilibre dans les rapports entre assureurs et réparateurs, minés par des conditions d’agréments toujours plus contraignantes pour les taux de main d’œuvre et de produits des professionnels de la réparation-collision.«Nous devons défendre les branches les plus en danger, a martelé Francis Bartholomé pour affirmer cette position. Le bureau exécutif du CNPA a donc décidé de faire de la survie des professionnels de la carrosserie une cause commune à toutes les branches.» En d’autres termes, la révision de la relation réparateurs-assureurs, devenue de plus en plus nocive pour les premiers au –très large– bénéfice des seconds, sera le principal cheval de bataille de l’organisation professionnelle dans les mois qui viennent. Et cela a déjà commencé.
AXA-Nobilas de nouveau sur la table
CNPA Levaillant Yves Levaillant a précisé que le cas AXA-Nobilas allait être rappelé aux bons souvenirs de la DGCCRF.En effet, le CNPA et sa branche Carrosserie se sont rappelés au bon souvenir de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) sur le dossier AXA-Nobilas. Saisie l’an dernier, celle-ci, dépendante du ministère de l’Economie et des Finances, n’aurait pas encore donné de nouvelles quant à l’avancée des travaux sur ce dossier riche de 36 pages de non-conformités relevées sur les différents contrats Nobilas (Courtage, Privilège et Partinum). «Il faut tenir compte de la lenteur administrative», a plaidé un compréhensif Yves Levaillant, président de la branche Carrosserie. Car la DGCCRF serait en train de finir de démêler d’autres dossiers automobiles vieux de… cinq ans !Raison de plus pour frapper de nouveau à sa porte, alors que la campagne de "signature d’agréments" AXA-Nobilas, bien que moins conquérante qu’annoncée –les réseaux AD peuvent en témoigner– a repris sa marche en avant. Francis Bartholomé a donc affirmé sa volonté de relancer des discussions fermes «mais cordiales» avec les compagnies d’assurance au sujet des clauses volumétriques des contrats commerciaux signés par les réparateurs, «qu’il s’agisse des futurs contrats comme de ceux déjà en cours», a-t-il souligné. «Cela m’a toujours agacé que nos artisans carrossiers se fassent laminer par nos ''confrères'' des assurances et qu’un trop grand nombre d’entre eux soient aujourd’hui précipités au fond du trou», a-t-il ajouté.
Exiger la clause volumétrique
La chambre syndicale a donc décidé de dénoncer la non-conformité, au plan des règles de la concurrence, de certaines conventions d’agrément d’assurance. «Ce n’est pas parce que l’on est quatre mutuelles, que l’on se regroupe pour s’appeler Sferen et que l’on résilie les contrats les mieux disant au profit du contrat le plus restrictif des quatre en termes de conditions tarifaires, le contrat Macif, que l’action est légitime, a dénoncé Francis Bartholomé. Il faut remettre l’église au milieu du village.» Autrement dit : rééquilibrer les forces. «Le contexte actuel est à une baisse de l’accidentologie, donc le métier de la carrosserie va être en tension pendant plusieurs années, a plaidé le nouveau président national. Il n’est plus possible de travailler à des prestations que nous ne facturons pas», a-t-il ajouté, en référence à l’expertise à distance (EAD), au prêt de véhicule de courtoisie ou au service à domicile (SAD)… entre autres.Et le CNPA de réclamer la confirmation écrite de la clause volumétrique censée lier commercialement les assureurs et les réparateurs conventionnés, véritable «billet d’entrée à la renégociation des conditions d’agrément», selon son président. «Nous allons exiger l’inscription de cette clause volumétrique dans les contrats», a confirmé Francis Bartholomé. A ce titre, les conditions générales de vente desdits contrats seront particulièrement visées par le CNPA dans le rétablissement de relations commerciales acceptables. Afin de faire respecter ces deux nécessités pour le maintien d’un réel équilibre du rapport commercial entre assureurs et réparateurs "agréés", le CNPA entend bien mettre sur la table les articles L441-3, L441-6 et L442-6 du Code de commerce, relatifs à la transparence et aux pratiques restrictives de concurrence.
Du grain à moudre au niveau légal
Ainsi, l’article L441-3 implique-t-il, entre autres, que «tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle doivent faire l'objet d'une facturation» et que «la facture doit mentionner le nom des parties ainsi que leur adresse, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l'exclusion des escomptes non prévus sur la facture». De quoi rapprocher, en effet, l’église du centre du village sur le plan des prestations soi-disant offertes par les assureurs à leurs clients et qu’ils exigent "gratuitement" des carrossiers, ou qu’ils les en dédommagent à peine.L’article L442-6, quant à lui, est sans équivoque quant à l’obligation pour «tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers» de réparer le préjudice causé par le fait :1° «D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. […] Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d'affaires, en une demande d'alignement sur les conditions commerciales obtenues par d'autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d'exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ;2° «De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;3° «D'obtenir ou de tenter d'obtenir un avantage, condition préalable à la passation de commandes, sans l'assortir d'un engagement écrit sur un volume d'achat proportionné et, le cas échéant, d'un service demandé par le fournisseur et ayant fait l'objet d'un accord écrit ;4° «D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente»
L’arrêté d’application attendu
Bien sûr, le CNPA espère que ses exigences –et celles de toute la profession de réparateur– soient entendues par la Direction générale du Trésor au moment de rédiger le fameux arrêté d’application de l’article 63 de la loi sur la consommation, dite "loi Hamon", dont la parution est attendue pour ce quatrième trimestre 2014. «Nous avons demandé que l’arrêté d’application impacte également les contrats d’agrément déjà en cours», a précisé Francis Bartholomé.«Toute la Maison de l’Automobile (NdlR : le siège du CNPA à Suresnes) va monter au front et cette "cause commune" va marquer l’action du CNPA jusqu’à début 2015», a-t-il également ajouté, soulignant également le rôle que le CNPA tient à jouer dans la définition précise –si tant est qu’elle puisse exister– du rôle économique de l’expert en tant qu’intermédiaire entre le réparateur et l’assureur. «Car dans le Code de la route, il n’est inscrit nulle part que l’expert a pour rôle de faire des économies au profit de l’assureur», a ironisé Francis Bartholomé. Une discussion pour l’instant au point mort, la FNAA et la FFC-Réparateurs ayant quitté, ce mercredi 15 octobre, la table des négociations prévues dans le cadre de la reconduction de la "Charte de bonnes pratiques experts en automobile – réparateurs". En cause ? Le point n°6 de ladite charte, relatif au "rôle économique de l’expert"…

Le CNPA va donc proposer, avant la fin de l’année, une réunion avec les compagnies d’assurance pour évoquer le sujet. Le combat a, en effet, toutes les raisons d’être désigné «cause commune» par la chambre syndicale et porté haut par Francis Bartholomé, concessionnaire de son état. Car la carrosserie, bien que disposant d’une branche forte d’un millier de cotisants au CNPA, est un métier transversal qui concerne tout autant les concessionnaires et les agents de marque que les "simples" carrossiers. Au total, 6 à 7 000 entreprises adhérentes au CNPA en font tout ou partie de leur activité.

«La valeur de nos fonds de commerce est compromise par ce défaut de rentabilité causé par le déséquilibre des conditions d’agrément, a rappelé le président de l’organisation professionnelle. De nombreux entrepreneurs qui prennent leur retraite ne trouvent aucun repreneur à leur affaire. Et même lorsque l’on est concessionnaire et que l’on peut subir deux ou trois mauvaises années de carrosserie, nous n’avons plus les moyens d’embaucher de nouveaux compagnons et ceux que nous employons connaissent une baisse d’activité.»

D’où l’urgence de remettre la carrosserie au premier rang des débats...

Romain Thirion
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