SRA: les assureurs ouvrent-ils enfin le dossier du prix des pièces captives?

Jean-Marc Pierret
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Et voilà que SRA (Sécurité et Réparation Automobiles), émanation des assureurs et pourtant très ancien et avisé observateur du prix des pièces, prend brutalement et ouvertement position contre les tarifs des pièces captives, tout particulièrement ceux pratiqués par les constructeurs français. Les assureurs veulent-il enfin ouvrir ce dossier qu'ils contournent depuis si longtemps ? Et si oui, pourquoi ?
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«Nous observons en effet jusqu’à 50% de différence pour une même pièce [de carrosserie] d’un pays à l’autre, la France étant la plus chère. Des écarts inexplicables d’un point de vue industriel.» Cette affirmation lourde de sens, c'est celle de Frédéric Maisonneuve, le président de SRA, dans l'éditorial de la dernière «Lettre SRA Actualités» de juillet-octobre 2016. Il y a certes longtemps que SRA (Sécurité et Réparation Automobiles), une émanation des assureurs, publie moult études qui permettent de faire régulièrement ce constat. Mais c'est pourtant la première fois que ledit SRA adopte, dans ses publications, un tel ton vindicatif à propos du positionnement des prix des pièces de carrosserie en France.
Études européennes à l'appui
Pour souligner le problème aussi vertement, Frédéric Maisonneuve, par ailleurs membre de Groupama, s'appuie officiellement sur deux études de prix européens en 2016 concernant pour l'une, les pare-chocs et pour l'autre, les capots. Mieux : les comparaisons de prix y mettent clairement en perspective les tarifs pratiqués dans les pays où les pièces de carrosserie sont librement concurrencées avec ceux où elles demeurent un monopole (Autriche, Danemark, Finlande et France).CQFD, souligne en substance l'étude qui, pour les pare-chocs, explique que «le prix moyen d'un bouclier dans les pays non libéralisés est plus élevé que dans les pays qui appliquent la clause de réparation. Mais les écarts de prix restent surprenants et proviennent clairement d'une stratégie du constructeur. Ce qui interpelle le plus, ce sont les Renault Clio, Citroën C4 et Peugeot 308, voitures françaises, dont le bouclier avant est plus cher en France qu'en Allemagne !» Même constat pour les capots : «ce sont les Peugeot 208 et Citroën C4, voitures françaises, dont les capots sont plus chers en France qu'en Allemagne !, s'acharne l'étude qui enfonce le clou : Plus surprenant encore : la Renault Clio IV. Le prix du capot en France qui s'élève à 373 € est supérieur de 93 € par rapport au prix en Allemagne (280 €) !»Et Frédéric Maisonneuve ne mâche décidément pas ses mots. Après avoir écarté les arguments habituellement déployés par les constructeurs (technicité croissante des véhicules liées aux exigences sécuritaires exponentielles ou la montée en gamme et l’augmentation des volumes de vente des SUV aux pièces plus chères...), il conclut son édito sur une phrase sans équivoque : «Il est tentant d’en déduire que le prix des pièces de carrosserie ne se réduit pas aux coûts des matières premières, de production, de logistique et autres, mais dépend bel et bien d’un prix de marché que seule la concurrence, par la pièce de qualité équivalente par exemple, pourra tempérer
Tardive et opportune prise de position ?
On se souvient que fin 2011, les constructeurs français avaient dû batailler dur pour éviter que le Parlement français ne vote la fin du monopole en France (voir «Pièces de carrosserie “libérées” : les constructeurs ont écarté le danger» et «Pièces de carrosserie : l’intégral de l’ultime discussion de l’Assemblée Nationale...)». Dans ces colonnes, nous nous étions alors étonnés de voir les assureurs si silencieux sur le sujet du monopole français, eux qui traquent constamment et sans grande pitié le moindre centime quand il s'agit de la main d’œuvre ou des temps revendiqués par les carrossiers. Des assureurs d'ailleurs très au fait du problème : ils ne peuvent au moins avoir raté cette déjà ancienne et très médiatisée étude de la Feda de mars 2011 : «Pièces captives : jusqu’à +380% en 1 an !». Une étude dont s'était également emparée la très visible et audible UFC-Que Choisir (voir «L’UFC-Que Choisir s’attaque aux pièces de carrosserie !»).Il semblerait donc bien que les assureurs aient décidé de se réveiller, eux qui pilotent SRA et valident probablement le contenu de ses publications. Parce qu'ils veulent se mettre à commercer eux-mêmes ces pièces de carrosserie et qu'une liberté d’approvisionnement leur serait maintenant utile (voir nos articles sur Alpha Scale, la centrale d'achat que rode AXA) ? Ou parce qu'ils veulent montrer qu'ils peuvent mettre fin, eux aussi, au statu quo d'une relation équilibrée et feutrée avec les constructeurs, à l'heure où ces derniers semblent justement s'organiser pour entrer sur le marché de l'assurance (voir Renault Assurances via Amaline Assurances-Groupama ou Peugeot Assurance et Citroën Assurance via le courtier AssurOne) ?Mais dans un cas comme dans l'autre, ce serait bien sûr là, de notre part, de très vilains et injustifiés procès d'intention...
Jean-Marc Pierret
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