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Distribution : pourquoi les concentrations vont encore s’accélérer…

Jean-Marc Pierret
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Vous avez aimé les concentrations successives ou concomitantes des acteurs nationaux, puis européens de la distribution de pièces ? Vous allez adorer celles qui restent immanquablement à venir. Car ces géants en formation ne sont encore que des nains par rapport à la taille des marchés auxquels ils s'attaquent. Et surtout par rapport à leurs concurrents constructeurs... et à leurs partenaires équipementiers.
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Sous la pression croissante des appétits européens manifestés notamment par des acteurs nord-américains comme LKQ, Genuine Parts Corporation (GPC) ou Uni-Select, l'actualité des concentrations dans la distribution indépendante de pièces en Europe fait émerger des géants inimaginables il y a encore 5 ans.Pour mémoire en ce qui concerne les plus gros mouvements, LKQ a successivement gobé ECP (Grande-Bretagne), Stator/Van Heck (Benelux & France), Rhiag (Italie et Europe centrale), une partie de Mekonomen (Scandinavie) et AD Pologne ; GPC s'est offert AAG (France, Grande-Bretagne, Allemagne) ; Uni-Select a repris Parts Alliance (Grande-Bretagne) ; Autodis Group, outre l'achat récent de deux distributeurs italiens, a absorbé Doyen (France & Benelux)...Sans oublier le milliard et demi de chiffre d'affaires de l'Allemand Stahlgruber, mis en vente depuis quelques mois, qui va venir incessamment renforcer l'une ou l'autre de ces puissances émergentes pressées d'entrer sur le marché d'outre-Rhin et de s'ouvrir ainsi les portes de l'Europe de l'Est...
De trop petits géants
Mais comparés ne serait-ce qu'à la seule taille du marché total de la pièce de rechange, tous ces acteurs ne sont encore somme toute que des nains. A fortiori quand on consolide leurs deux marchés de référence pour eux que sont l'Europe et les États-Unis. L'Europe de la pièce pèse à elle seule la bagatelle de 70 à 90 milliards d'euros par an (pièces concurrencées et captives comprises) selon diverses estimations ; quant au marché nord américain, il oscillerait entre 53 et 60 milliards d'euros selon LKQ. Et encore ce total transcontinental de quelque 123 à 150 milliards ne concerne-t-il que la valeur enregistrée au niveau de la distribution de gros. La valeur finale, au niveau des consommateurs, est peu ou prou du double.Vu sous cet angle, l'ensemble GPC/AAG −le plus imposant de ces nouveaux acteurs concentrés− apparaît brutalement bien plus relatif. Lui qui affiche le cumul record sur les deux continents de quelque 14,5 milliards d'euros ne représente au final “que” 10% environ de ces 123 à 150 milliards transatlantiques. Et si LKQ domine actuellement notre Vieux Continent du haut de ses 3 milliards d'euros de CA, il décroche cette couronne avec un périmètre n'atteignant pas, dans le meilleur des cas, 5% du marché européen de la pièce !
Des concentrations nourries par un marché atomisé
Et à 5% seulement d'un marché, on demeure loin de la taille critique permettant d'édicter et de dicter des règles. Voilà qui suffit à le démontrer : aussi impressionnantes soient-elles déjà, les concentrations n'en sont probablement qu'à leur commencement. D'ailleurs, Stahlgruber l'a visiblement compris qui a l'intelligence de surfer sur ce besoin vital de croissance. Le distributeur allemand semble bien en passe de réussir à se vendre pour l'équivalent inédit d'une année de chiffre d'affaires (oui, environ 1,5 milliard d'euros !), soit plus ou moins 12 fois son EBITDA(*) que les analystes prédisent à 120 millions d'euros cette année !Ce qui revient en creux à constater, depuis le top départ des concentrations européennes donné par LKQ quand il rachetait le Britannique ECP, que le mouvement a favorisé un quasi-doublement de la valeur d'un distributeur susceptible d’intéresser son prédateur ! Voilà qui explique aussi pourquoi ces concentrations sont facilement financées : mécaniquement, les retours sur investissements restent prometteurs. A ce titre, les acteurs nord-américains ont d'ailleurs l'avantage d'être tous cotés en Bourse. Chaque acquisition se justifie en partie au moins par l'impact positif sur leur valeur boursière...
Peser face aux constructeurs...
Autre facteur favorable à la poursuite des regroupements : ces mastodontes en formation évoluent dans un vivier d'acteurs encore extraordinairement atomisé. Comme nous l'avons souvent souligné ici, il reste quelque 48 000 distributeurs indépendants en Europe continentale, dont une cinquantaine seulement atteignent ou dépassent les 100 M€. Et cette multitude constitue un réservoir d'autant plus intéressant que les trop petits qui la composent ne sont pas, eux, en position d'espérer se vendre pour un an de CA. Une fois qu'ils auront racheté fort cher les plus gros acteurs, les conquérants pourront s'intéresser aux plus modestes pour la fin. Ou pour la faim, si les survalorisations citées plus haut venaient à s'effondrer...Mais il y a d'autres forces qui poussent à ces concentrations de distributeurs. A commencer bien sûr par les constructeurs qui, non contents de détenir déjà près de 50% du marché, sont en train de s'aventurer dans le domaine historiquement réservé aux indépendants de la pièce multimarque et plus récemment encore, des marques équipementières (Renault Motrio puis Exadis, PSA Eurorepar puis Distrigo et Mister-Auto, Ford Motorcraft/Omnicraft, VW Economic Parts, etc.). La résistance des indépendants aux appétits des constructeurs passera inévitablement par un accroissement des tailles critiques, seules à même de financer les nécessaires économies d'échelles et investissements qui peuvent permettre de rester dans la course.
... suivre les équipementiers...
Il existe aussi un autre puissant catalyseur à ces concentrations de distributeurs, moins souvent cité mais pourtant tout aussi déterminant : la taille croissante des équipementiers. On l'oublie, tant on y est déjà habitué, mais les rachats entre équipementiers continuent d'un bon pied. Depuis quelques années, nous avons ainsi assisté à ZF/TRW, Bosch/ZF, Federal-Mogul/Bendix-Jurid, Behr-Mahle, Mann Filter/Wix-Filtron, Valeo/FTE, NTN-SNR, Michelin/Allopneus, etc., etc.Comme on le voit ci-dessous dans le classement des 15 premiers mondiaux de notre confrère l'Usine Nouvelle, les équipementiers de 1ère et de seconde monte, toujours plus globaux, toujours plus intégrés, affichent des chiffres d'affaires bien supérieurs aux plus gros des distributeurs. A lui seul, le chiffre d'affaires de Bosch (70 milliards d'euros) équivaut presque au total du marché européen de la pièce. En face, sur le même territoire, il faut encore additionner les activités des 6 premiers groupes de distribution (LKQ Europe, AAG, Trost/Wessels Müller, Autodis Group, Stahlgruber et Intercars), pour tout juste dépasser 10 milliards d'euros...
... et les garder sous contrôle
En outre, les équipementiers, comme d'ailleurs les constructeurs cités plus haut, ne semblent pas vouloir rater l'opportunité de se rapprocher des réparateurs grâce à la digitalisation croissante de l'après-vente. Ces mêmes réparateurs qui, pour l'heure, restent la chasse gardée des distributeurs. Témoin, la toute nouvelle plateforme digitale Caruso, dont les grands équipementiers sont déjà actionnaires...CQFD : voilà toutes les raisons qui expliquent pourquoi les concentrations dans la distribution indépendante de pièces ne font effectivement que commencer. Si les acteurs du secteur veulent pouvoir résister aux constructeurs tout en dictant leurs prix et leurs marges à des fournisseurs géants qui ne s'en laisseront pas spontanément... compter, il faut qu'ils soient raisonnablement puissants, donc suffisamment concentrés, pour pouvoir montrer des muscles crédibles.
Principaux équipementiers
% du CA en auto
CA 2016 (M€)
Robert Bosch68%70 607
Continental81%39 232
Magna International100%38 633
Johnson Control51%34 844
DENSO100%34 535
Hyundai Mobis Co100%29 247
ZF100%29 154
Bridgestone62%28 931
Aisin Seiki100%24 755
Sumitomo Electric Industries45%22 388
Michelin53%21 199
Faurecia SA100%20 691
Cummins Inc.49%17 900
Lear Corporation53%17 064
Toyota Industries Corp.48%17 013

Source: Usine Nouvelle

(*)EBITDA: en anglais, “Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation, and Amortization”, c’est-à-dire «résultat avant soustraction des intérêts, impôts, dotations aux amortissements et provisions sur immobilisations».
Jean-Marc Pierret
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