
Bruno Chastang : une vie consacrée à la route et aux dépanneurs

Quarante ans de carrière, des nuits d’astreinte, des pannes sous la pluie et une passion intacte : Bruno Chastang vit le dépannage comme une vocation. Aujourd’hui à la tête de la FNA Île-de-France et Vice-président de la branche dépannage, il défend un métier exigeant mais indispensable. Rencontre avec un homme de terrain, déterminé à préserver l’avenir d’une profession qui, chaque jour, assure la mobilité de millions de Français.
Pouvez-vous vous présenter rapidement ? Quel est votre parcours au sein de la FNA ?
J’ai 40 ans de carrière dans le dépannage, mais c’est bien plus qu’un métier pour moi : c’est une histoire de passion, de combat et d’engagement. Tout a commencé pendant mon service militaire, où j’ai été mécanicien dépanneur. Très vite, une évidence s’est imposée : ce métier, aussi essentiel soit-il, manquait cruellement de structure. Je ne supportais pas de voir une profession aussi vitale pour la mobilité des Français, aussi peu reconnue et organisée.
Je me suis lancé à mon compte, d’abord dans une petite entreprise spécialisée dans le dépannage de véhicules légers. À l’époque, l’assistance et les agréments commençaient tout juste à émerger. Puis, j’ai saisi l’opportunité de rejoindre une entreprise qui avait une vision plus large, couvrant à la fois les véhicules légers et les poids lourds. C’était une révélation : on pouvait faire évoluer ce métier, lui donner de l’ambition.
En 1992, j’ai franchi un cap en m’associant à Dépann 2000 pour racheter le leader du secteur de l’époque. Avec mon associé, lui aussi engagé dans le monde syndical, nous avions un objectif clair : valoriser notre profession, lui donner ses lettres de noblesse. En 2001, fort de cette expérience, j’ai créé ma propre entreprise, couvrant le dépannage VL, PL et la fourrière.
C’est au début des années 2010 que j’ai rejoint la FNA, d’abord comme adhérent, puis en m’investissant de plus en plus. Aujourd’hui, je suis à la fois Vice-président national de la branche dépannage et Président de la FNA Île-de-France. Deux casquettes qui me permettent d’agir concrètement, sur le terrain comme dans les instances décisionnelles.
Quels sont vos objectifs prioritaires en Île-de-France ?
Ma priorité, c’est de préserver ce que nous avons construit ensemble, année après année. Nos acquis sont aujourd’hui menacés : remises en question par les préfectures, pressions des assurances, décisions judiciaires qui fragilisent notre modèle. Si nous ne réagissons pas, c’est tout le service de dépannage et de fourrière qui risque de s’effondrer.
Je veux aussi continuer à professionnaliser le métier. Le dépannage, c’est un secteur sous tension permanente : contraintes croissantes, vocations en berne, alors que nous sommes indispensables à la mobilité de tous. Sans nous, qui intervient à 3h du matin quand une famille est en panne sur le bord de l’autoroute ? Nous devons rendre ce métier attractif, donner envie aux jeunes de nous rejoindre.
Comment comptez-vous fédérer les dépanneurs en Île-de-France ?
Beaucoup de chefs d’entreprise se sentent abandonnés, isolés face à des conditions de travail de plus en plus difficiles. Mon rôle, c’est de briser cette solitude. Il faut créer un réseau solide, une communauté, où chacun se sente écouté et soutenu. Je connais leurs réalités parce que je les vis moi-même : cahiers des charges lourds, pressions économiques, rapports tendus avec les assurances…Être Vice-président national me donne une vision globale de la profession. Cette double casquette est une force, je peux m’appuyer sur la dynamique nationale pour défendre les dossiers locaux. La cohésion, c’est notre force.
Je veux aussi renforcer le dialogue avec les pouvoirs publics régionaux. Nous devons faire entendre notre voix, obtenir des décisions plus justes, adaptées à nos réalités. Cela passe par du travail de terrain, de la proximité, et une volonté sans faille de défendre nos intérêts.
Comment coordonnez-vous votre rôle national et votre présidence en Île-de-France ?
Être Vice-président national me donne une vision globale de la profession. Cette double casquette est une force : je peux m’appuyer sur la dynamique nationale pour défendre les dossiers locaux. Les synergies entre les deux niveaux d’action sont constantes et c’est ce qui nous rend certainement plus efficaces.
La FNA alerte régulièrement sur les conditions de travail et les tarifs insuffisants. Comment comptez-vous faire évoluer ces sujets ?
C’est un combat de tous les jours. Les tarifs imposés ne couvrent plus les investissements nécessaires : matériel, formation, conformité, personnel… Et puis, il y a les dépanneurs « pirates », qui ne respectent pas les règles mais continuent d’être sollicités. Cela crée une concurrence déloyale envers les professionnels agréés, qui eux respectent scrupuleusement les cahiers des charges. Nous devons alerter les autorités, au niveau régional comme national sur ces pratiques et être prêts à nous mobiliser si le dialogue ne suffit pas.
Quelles sont les principales difficultés rencontrées par les dépanneurs ?
Le recrutement est un vrai casse-tête. Le dépannage, c’est 24h/24, 7j/7, dans des conditions parfois difficiles, voire dangereuses. Comment attirer des jeunes dans ces conditions ? Nous essayons de compenser avec des rémunérations attractives, mais ce n’est pas toujours suffisant.
Et puis, il y a les tarifs réglementés. Si les tarifs autoroutiers font l’objet d’une révision annuelle, les tarifs applicables aux prestations de fourrière — également encadrés — n’ont pas été réévalués depuis le passage à l’euro. Cela crée un décalage évident entre les coûts supportés par les entreprises et la réalité de leur rémunération.
Sans parler des nouvelles contraintes, comme la possible requalification des temps d’astreinte en temps de travail effectif. Si cette mesure passe, c’est l’équilibre économique de nombreuses entreprises qui sera menacé et ce serait, à terme, la fin de notre modèle de dépannage tel qu’il existe aujourd’hui.
Comment la FNA Île-de-France compte-t-elle se faire entendre ?
Par un travail de fond en lien avec les préfectures et les collectivités territoriales. Nous devons leur faire comprendre que nos tarifs ne sont plus adaptés, que les nouvelles obligations, imposées sans compensation, coûtent cher et qu’il est temps de reconnaître la valeur de notre métier. Le dépannage, ce n’est pas qu’une question de voitures en panne : c’est un maillon essentiel de la sécurité routière et de la fluidité du trafic.
Quels sont vos principaux objectifs ?
Nous devons préserver nos acquis, mais aussi aller plus loin. L’intégration du dépannage dans la convention collective de l’automobile a été une avancée, mais il nous faut une convention spécifique, adaptée à nos réalités et contraintes particulières. C’est un combat que je porte avec détermination.
Comment mesurez-vous l’impact de vos actions ?
Le meilleur indicateur, c’est le retour des adhérents. Leur satisfaction, leur implication, leurs retours d’expérience nous guident. Nous devons aussi expliquer nos démarches, nos résultats, et les obstacles que nous rencontrons. Chaque avancée, chaque changement réglementaire, chaque nouvelle instance de dialogue est une preuve que notre action porte ses fruits.
Conclusion : Un appel à l’union
Je lance un appel à tous les professionnels du dépannage : rejoignez-nous ! Ensemble, nous avons plus de poids pour faire bouger les lignes. Les collectivités et nos partenaires régionaux doivent comprendre que le dépannage est un maillon essentiel de la mobilité, qui mérite d’être soutenu, écouté et reconnu à sa juste valeur.
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