Analyse – Pourquoi Oscaro se lance dans le pneu

Jean-Marc Pierret
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Oscaro vient d'annoncer son offensive toute prochaine dans le pneu. Logique, voire inévitable : alors que le site doit redresser ses comptes, le pneumatique, porteur de business, devient pour lui un passage -presque tardivement- obligé. Et voilà donc Oscaro qui va inévitablement devoir recruter et exhiber, à son tour, des centres de montage. Car un pneu ne se pose pas aussi simplement qu'une paire d'essuie-glace...
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Et voilà Oscaro qui se lance dans le pneu. Et dès novembre ! Cette diversification est certes logique, d'abord par la taille et l'attrait du marché du pneumatique. Il représente le second motif d'entrées-atelier avec plus de 24% d'un total annuel de 38,5 millions, à une encablure des presque 27% du prolixe et dominant couple révision constructeur-révision saisonnière. Et le seul pneu sur internet, ce sont quelque 18%  des 30 millions d'enveloppes VP/VUL vendues chaque années en France. Logique encore car le site leader de la vente en ligne, à l'instar de ses concurrents, cherche à élargir toujours plus son offre et son chiffre d'affaires, confronté qu'il est comme tous ses confrères à un plafond de croissance.Inévitable peut-être aussi dans le cas particulier d'une situation financière incertaine pour Oscaro. Il s'agit évidemment là d'une opportunité de volumes supplémentaires, synonymes d'accélération de son plan interne de redressement qu'il ne peut pas rater, lui qui n'a eu d'autre choix récent que d'avoir à convertir sa trop lourde dette envers Autodis Group en participation dans son capital (voir «Autodis Group/Oscaro (suite) : ce qu’il faut en retenir…»). Inévitable surtout quand on constate que celui qu'il ressent comme son plus féroce ennemi du moment, à savoir Mister-Auto (voir «le puissant “story telling” de Pierre-Noël Luiggi»), est déjà présent sur le segment du pneumatique.
Où Oscaro s'approvisionnera-t-il ?
Cette offensive pneumatique d'Oscaro pose plusieurs questions. Celle de l'approvisionnement bien sûr, même s'il n'aura guère, dans l'absolu, de problème pour trouver des pneus en masse et à bon prix. Mais auprès de qui en particulier ? Autodis Group, qui est donc récemment monté au capital d'Oscaro, en profitera-t-il aussi pour entrer dans le cercle des fournisseurs d'enveloppes du site ? Le groupe de distribution commence à avoir une offre conséquente en la matière, d'abord par le rachat de SLPA, et plus récemment en signant un accord exclusif de distribution avec le manufacturier chinois Ling Long pour sa marque Leao Tyre.Sans oublier bien sûr la possible prise en compte des intérêts bien compris du détenteur d'Autodis Group qu'est Bain Capital. Car le fonds d'investissement est maintenant un solide opérateur du secteur du pneu. Il est déjà propriétaire de European FinTyre Distribution Limited (EFTD), l'un des plus gros distributeurs pan-européens de pneumatiques. Et EFTD a repris récemment Reifen Krieg Group, le grossiste allemand aux 3,5 millions de pneumatiques par an (voir le communiqué en anglais de Bain Capital). Ensemble, EFTD et Reifen Krieg affichent le confortable total de 1 300 employés, 1,1 Md € de CA, 16 sites logistiques et une solide présence en Allemagne et en Italie...
L'inévitable évolution du business-model Oscaro
Mais au-delà de ces possibles arrangements entre nouveaux amis, la vente de pneus pose aussi la question d'un changement de business-model à Oscaro. Car sa nouvelle offre pneumaticienne le lui impose fatalement. Si la plupart des pièces qu'il vend majoritairement sont actuellement liées à un do it yourself facile à pratiquer, même avec un outillage léger (balais d'essuie-glace, freinage, filtres, vidange...), le pneu, lui, entre dans une tout autre catégorie.Pour se lancer dans cette activité, il sera donc difficile à Oscaro de continuer à se passer de réparateurs-monteurs affiliés comme il s'acharne à le faire depuis sa création, en se contentant de privilégier ses fameux  “tutos”. Et ce, malgré le fait que ses concurrents de la pièce, même hors pneus, s'emploient depuis toujours à recruter des centres de montage pour accompagner leurs ventes.
Vers des centres de montage «Oscaro», inévitablement
D'autant que ces monteurs sont consubstantiels à l'activité des pure-players du pneu auxquels il s'attaque maintenant. Des concurrents qui l'ont compris depuis longtemps : pas facile en effet de démonter et remonter un pneu de voiture avec l'aisance d'un pneu de vélo ; encore moins d'équilibrer une roue en la faisant seulement tourner sur son essieu...Pour toutes ces raisons, on voit mal comment Oscaro pourrait se passer de recruter et d'officialiser des réparateurs dûment équipés en démonte-pneus et équilibreuses s'il veut pouvoir packager la même offre que les ténors du pneu en ligne. A commencer bien sûr par le leader incontesté qu'est Allopneus qui estime s'adjuger à lui seul 55,5% des “pneus internet”. Ce site annonce un centre de montage à moins de 5 km de tout internaute acheteur. Il est aussi en passe de finir de couvrir la France en ateliers mobiles à ses propres couleurs. Quant à Mister-auto, il revendique plus de 2 000 partenaires monteurs. Même chose pour Yakarouler et ses 1 700 affiliés. Plus fort encore avec 1001pneus, récemment repris par Cdiscount : il annonce 6 000 centres de montage !
Faire amende honorable... ou pas
Bien sûr, quand un sillon est déjà creusé, il est plus facile de venir y semer. Oscaro n'aura a priori aucun problème à recruter. Si ce n'est peut-être après avoir enjambé ce frein psychologique : Pierre-Noël Luiggi, le patron d'Oscaro, a si souvent donné publiquement l'impression d'être le vengeur ultime venant punir ces voleurs de distributeurs et de réparateurs qu'il faudra probablement que ses sergents-recruteurs fassent parfois amende honorable. Mais à l'opposé, les réparateurs en mal d'entrées-atelier seront probablement intéressés sans grand état d'âme par l'apport de business que le leader de la pièce en ligne pourra ainsi orienter vers eux.C'est aussi pourquoi l'Oscaro du Zorro P.-N. Luiggi n'aura probablement pas trop besoin de jouer les Bourgeois de Calais. Mieux : le pneu va même lui donner l'occasion d'un changement de discours vis-à-vis des réparateurs sans avoir trop l'air parjure envers son discours initial de “Robin des Bois” qui prend aux riches distributeurs et réparateurs pour redonner aux pauvres automobilistes. N'a-t-il pas encore récemment péroré sur les ondes pour avoir rendu 5 milliards de pouvoir d'achat aux consommateurs français ?Mais de toute façon, il ne faut pas oublier ces nombreux ateliers qui, déjà, commandent en masse des pièces sur Oscaro, ne serait-ce que parce qu'ils l'ont connu par son puissant et fiable moteur de recherche des références. Si le site n'a jamais évoqué son mix particuliers/professionnels, d'autres l'assument ouvertement. Comme Mister-Auto qui nous a déjà précisé que les pros -et semi-pros- pèsent entre 30% et 50% de ses ventes...Comme d'habitude, nous vous tiendrons au courant...
Jean-Marc Pierret
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