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Fin du thermique, zones interdites, mais pas d’acheteurs de VE

Muriel Blancheton
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Client concession

Pour garantir la liberté de mouvement des citoyens en 2025, voire assurer la transition électrique jusqu’en 2035 à l’heure où sonnera la fin du VN thermique, le leasing social peut apparaître comme une solution. Mais sous conditions. Et la première est bien de placer le client final au cœur des préoccupations. 

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Car entre la nécessité d’un parc circulant moins émetteurs de CO2 pour répondre aux enjeux climatiques et la mutation à marche forcée d’une filière amont et aval sommée d’être résiliente à défaut d’être laminée, il reste un petit élément qu’il va bien falloir prendre en compte dans les grands rouages. Un dernier acteur peu voire pas informé de certaines décisions qui stopperont net sa liberté de se déplacer : l’acheteur potentiel de véhicule, du plus petit rouleur au plus gros, à titre privé comme professionnel, ne vivant pas à Paris et avec un pouvoir d’achat non extensible. 

Si les enjeux environnementaux ne sont pas contestables pour préserver l’avenir de la planète, les défis sociétaux et sociaux qui s’amoncèlent sont tout autant cruciaux. Et ils se rapprochent très vite. Dernière actualité, l’Union européenne valide la fin du véhicule thermique neuf en 2035 (Paquet Climat Fit for 55), imposant une transformation de l’outil industriel mais aussi de la société actuelle (particuliers comme entreprises) dans leurs modes de déplacement. 

L'Europe veut des véhicules Zéro Emission

Certaines voix regrettent la voie choisie des élus européens, celle du tout électrique sans autre alternative. Une psychorigidité sur la possibilité d’un mix énergétique et technologique qui signe l’obsolescence programmée des véhicules de tous les citoyens (entreprises comme particuliers), sans que ces derniers ne le réalisent vraiment, avec une dépréciation inexorable de la valeur de leur véhicule. 
Fin du thermique, tout électrique ? "Aucune vision stratégique"

Un leasing social plus ouvert

En France, le parc roulant est de 38 millions de VP (41 millions avec les PL), avec un marché VN stagnant à 1,5 million par an. Le parc VE ne représente que 1 % (20 % en comptant les hybrides) ! Or, la transition doit se faire d’ici treize ans. C’est trop court au vu de la volumétrie des véhicules électrifiés, à moins d’un accompagnement par des aides publiques durables, afin d’assurer « une forme d’unité sociale », comme le mentionne Xavier Horent, délégué général de Mobilians. Sauf que la proposition du gouvernent d’une aide de 100 € par mois pour l’achat d’un VE ne suffit largement pas. D’où la solution de leasing social ! « À condition qu’il soit réaliste », ajoute Marc Bruschet, président de la branche VP de Mobilians. Comprendre qu’il doit s’adresser à la fois aux foyers modestes comme aux revenus moyens. Il doit aussi s’ouvrir aux véhicules neufs de Crit’Air 1 mais aussi à ceux d'occasion, également de Crit’Air 1 (10 millions sur le parc fin 2021). « Ce flux ne sera même pas suffisant pour la conversion du parc ! Les Crit’Air 2 ne font pas partie des options, diesel oblige. » Car les organismes de financement sont formels : les classes populaires n’ont pas les moyens d’acheter des véhicules électriques neufs trop chers. La réalité expliquée par Mobilians, chiffres à l’appui, est sans équivoque et devrait faire réfléchir certains décideurs :

•    1/3 des Français n’a pas d’argent à consacrer pour une voiture,
•    1/4 ne peut consacrer plus de 3990 € dans le budget auto,
•    Seulement 14 % peut y allouer plus de 20000 €.

D’autres chiffres interpellent (source : CSA pour l’Association Eco Entretien) : 
•    30% des ménages français ont un revenu annuel inférieur à 20000 € et 80% à moins de 47000 € par an,
•    Le revenu moyen d’un possesseur de véhicule électrique est de 4725 € par mois ;
•    Le revenu moyen des détenteurs de crédits en France est de 40000 € par an.
 

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Marc Bruschet et Xavier Horent

Classe moyenne électro-compatibles

Le constat d’une distance croissante entre le pouvoir d’achat des Français et le prix des véhicules depuis 2011 est flagrant. Cette distance s’est même accélérée depuis 2018. Quand un foyer n’a pas d’argent pour s’acheter un VN – et encore moins un VE, vrai produit de luxe – il se tourne vers le marché de l’occasion (6 millions d’immatriculations en 2021). L’achat de VO de plus de dix ans a représenté presque 3 millions de transactions et 25 % concernent les plus de quinze ans. Ce chiffre est à comparer aux 700 000 VP acquis l’an passé...  
Mécaniquement, le parc a vieilli de deux ans en seulement cinq ans : il a onze ans aujourd’hui contre neuf ans en 2017. Attention, ces chiffres ne prouvent pas une désaffection pour la voiture, seulement pour l’achat d’un VN. La voiture reste l’élément central d’un foyer quand on vit hors Paris intra-muros (se rendre au travail ou chez le médecin, à des dizaines de kilomètres par exemple, faire ses courses dans le seul hypermarché de la région, aller chercher ses enfants à l’école du village voisin…). 
 

Lire l'interview de Marc Bruschet pour Zepros Après Vente Auto ; Le concessionnaire est un actif à préserver"

Nouvelles frontières aux portes des villes

Les organismes de crédit se sont penchés sur les prêts en LOA qu’ils pourraient financer vers la classe moyenne : 30000 € nets par foyer fiscal, avant prélèvement à la source, avec un leasing court, de 36 à 48 mois, et une aide sur l’apport initial. Un autre levier pourrait être l’allongement de la durée du financement, ou la garantie de l’État sur certains dossiers à risque. « Ce dispositif n’est que du bon sens. Il doit être accessible au plus grand nombre, plutôt que de favoriser des critères d’implantation des ménages dans les ZFE (qu’advient-il des ménages en périphérie ?) ou des notions de gros rouleurs. Il s’agit de favoriser une mobilité pour tous, accessible aux classes moyennes et précaires qui en ont le plus besoin. » Car les 45 zones à faibles émissions (ZFE) citées, installées dès 2025, arrivent à grands pas et ajoutent de la pression à la pression : 40 % du parc VP/VUL sera frappé d’interdiction d’entrer dans les villes au 1er janvier 2025, sur la base des vignettes Crit’Air 3, 4, 5 et non classées, « signifiant qu’il faut renouveler en moins de trois ans 7 millions de véhicules », rappelle Marc Bruschet. Autant dire mission impossible. Petit rappel : chaque pays applique des ZFE, afin de repousser les véhicules thermiques jugés les plus polluants sur la base des vignettes Crit’Air 3, 4, 5 et non classés. En France, cette interdiction vise toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants dès 2025, soit 45 zones et 40 % du parc circulant. Comprendre que ces ZFE bannissent l’entrée dans les villes de tous les véhicules (VP, PL, deux-roues) mis en circulation entre 1996 et 2011 selon qu’ils soient Essence ou Diesel. « Un système opaque puisque 60 % des Français ne la connaissent pas ! Les détenteurs de la vignette Crit’Air 4, 5 et non classés ne la connaissent même pas du tout, alors qu’ils sont ciblés en premier lieu ! », s’indigne Marc Bruschet. 


Souveraineté inquiétée
 

Enfin, la question de la souveraineté, sujet largement philosophé pendant les dernières campagnes, ne doit pas être oubliée. Pour le président de la branche VP, un plafond fixé à 45000 € – hors aides – pour l’achat d’un véhicule permettrait d’ouvrir le scope à des productions nationales. Sauf qu’il n’y a aucune berline de segment B produite en France (hors Yaris et ZOE), en thermique ou électrique. L’idée est donc d’élargir le leasing social au segment C, comme la 308 Essence produite à Sochaux. « Ce seuil permet d’intégrer dans le dispositif les offres de véhicules électriques sur le segment B dont le prix de base est de 34000 €. » Actuellement, l’offre "low cost" en VE se limite à la Dacia Spring (19000 € avant les aides), naturellement fabriquée en Chine… En élargissant le recours aux véhicules Crit’Air 1 tel que proposé, le dispositif pourrait ainsi être axé sur des véhicules produits en France et en Europe. « Et en allant plus loin, ce dispositif pourrait même être réservé à des marques disposant d’un service après-vente implanté sur le territoire français. »
Sans sombrer dans le défaitisme, il est clair que la transition vers l’électrique et l’imposition des ZFE dans deux ans et demi – déjà polluées par la multiplication des dérogations –  risquent l’électrocution en l’état. L’achat d’un véhicule électrique à 45000 € n’est pas une priorité pour des foyers qui n’en ont pas les capacités ni le besoin. En revanche, le risque de remous social, pour ne pas dire soulèvement majeur, pourrait bien surgir dès que les interdictions de circuler s’abattront sur le territoire. « Or la mobilité est depuis toujours un élément de stabilité. Ne l’oublions jamais. Il y a beaucoup de dogmatisme. Face à cela, nous devons apporter de la souplesse et des solutions adaptées au territoire », estime Xavier Horent. 

Muriel Blancheton
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