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Les réseaux multimarques, clé d’accès aux données constructeurs?

Jean-Marc Pierret
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Gateway, passthru : ces deux termes annoncent une nouvelle ère qui doit permettre aux réparateurs indépendants d’accéder au même niveau d’informations techniques que les réseaux agréés. Il y a encore loin de la coupe aux lèvres, mais c’est en marche. Et c’est un défi que les réseaux, mutualisateurs de solutions par définition, vont évidemment vouloir -et devoir- prendre en charge…

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Une ère nouvelle s’ouvre : celle du gateway et du passthru. Le gateway, c’est le déverrouillage de l’accès aux véhicules que tous les constructeurs comme le législateur veulent voir maîtrisé et sécurisé pour des raisons de cybersécurité. VN après VN, il se généralise logiquement à la même vitesse que se développe la connectivité des véhicules. Quand au passthru, c’est schématiquement ce qui permet d’accéder à l’entièreté des données des constructeurs pour pouvoir programmer et reprogrammer, “graver” informatiquement les nouvelles pièces tels les optiques, identifier et effacer les codes défauts, maîtriser les opérations de rappel, etc. etc.

L’inévitable ouverture

Tous surveillés et régulièrement pénalisés depuis 2001 qu’ils sont censés, selon la réglementation européenne, ouvrir leurs infos techniques aux indépendants, les constructeurs changent les uns après les autres de business model pour autoriser ce qu’ils n’ont toujours finalement fait que du bout des lèvres : permettre aux réparateurs indépendants d’avoir le même niveau d’accès que les réseaux agréés. A tout le moins, qu’ils ne soient pas systématiquement obligés de porter le véhicule en concession dès lors que l’on touche par exemple à la reprogrammation des calculateurs ou que l’on veut, à l’opposé, poser un bête attelage…

Tous les constructeurs ne le font pas encore de bon gré. Par résistance culturelle bien sûr, pour ne fâcher trop vite leurs RA1 et RA2 aussi. Parce qu’ils n’ont pas tous non plus parfaitement mis leurs données en ordre : pas toujours facile de convertir des cerveaux d’ingénieurs 1ère monte à la nécessaire agilité des besoins aftermarket.

Pas d’à peu près possible

C’est une chose d’agacer régulièrement les ateliers de sa propre marque. Ces derniers ont l’habitude de laisser le temps au temps, de participer aux débuggages aval, puisque tout ça reste “dans la famille”. Mais c’en serait une tout autre de fournir des infos imparfaites à des “étrangers” qui ne se laisseront évidemment pas faire si les retours en garantie s’empilent malgré le parfait respect des process.

Un seul exemple dont les anciens doivent se souvenir : les Citroën XM sortaient de chaînes si imparfaites qu’elles devaient être ensuite lourdement et discrètement “redressées” par le réseau au fur et à mesure des retours en atelier. Un tel ratage est inimaginable à l’ère nouvelle où un indépendant, ni biberonné ni tatoué au logo de la marque, paiera le prix de l’information technique constructeur réputée parfaite et infaillible pour constater qu’il ne peut pas satisfaire pour autant son client automobiliste…

Tous les constructeurs ne sont pas encore prêts

Comme tout nouveau territoire, il faut encore défricher. Tous les constructeurs ne sont pas encore convertis à cette œcuménisme informationnel. L’ex PSA et l’ex FCA ont fait de louables efforts en ce sens. Probablement parce que Carlos Tavares semble très conscient que ces données payantes seront demain un eldorado financier. Stellantis soulignait récemment que « les logiciels constituent un levier de croissance avec des marges supérieures à celle de l’automobile ».

A l’opposé, Tesla n’a pas encore pris la peine d’avoir une prise OBD digne de ce nom. Renault se donne encore jusqu’à la fin de l’année pour ouvrir complètement l’accès à tous les niveaux de compétence. Et il faut parfois montrer patte blanche. le groupe VW, qui accumule les marques de supercars, exige même un casier judiciaire vierge. Pas illogique, quand même le codage de clés va devenir une compétence “hors réseau”…

Patte blanche

Pour le gateway, ce sont les équipementiers qui s’en chargent. Les outils de diag agissent comme des portails fédérant tous les accès, synthétisés dans un abonnement payant annuel supplémentaire approchant les 150 euros. Ils ajoutent les passthru au fur et à mesure de leurs disponibilités qui eux, exigent un environnement Windows et facturent les données, selon les constructeurs, à l’opération ou/et par abonnements.

Mais tout cela va nécessiter des formations. Pour le déverrouillage comme pour la bonne navigation dans les données et les interfaces de chaque constructeurs. Donc du temps. Et de l’argent, ne serait-ce que pour s’équiper en connexions filaires haut débit afin d’éviter les interruptions de téléchargements.

Les réseaux peuvent anticiper

Les réseaux multimarques commencent donc probablement à réfléchir aux meilleurs moyens de donner accès à toutes ces nouvelles données “made in constructeurs”. Pour les parcs roulants les plus massifs, pas de doute : les réparateurs devront sacrifier un ou deux jours de formation par constructeur pour espérer être pleinement autonomes. Mais pour le reste du parc, il faudra bien imaginer un couple hotline/back office (l’émergent « remote Passethru ») capable de prendre en charge tout véhicule à distance. Pourquoi diable passer en effet deux jours en formation pour ensuite tout oublier, le temps de voir enfin un véhicule de constructeur exotique se présenter à l’atelier ?

Les réseaux, à commencer par ceux issus des distributeurs de pièces, savent aussi que les constructeurs ne sont évidemment pas manchots. Témoins Mercedes qui une fois le passthru franchi, propose un opportun panier de pièces d’origine adapté à la recherche en cours ; ou Renault qui, de son côté, semble bien avoir l’intention d’être aussi celui qui facturera la pièce, d’où qu’elle vienne.

Contrôles en amont et en aval

Sans oublier que ces accès informatiques aux constructeurs seront assujettis à la pleine identification d’un vrai professionnel devant donner son nom, son Siret et sa raison sociale. Les constructeurs seront évidemment en position de séparer ce qui sera à leurs yeux le bon grain et l’ivraie. VW, toujours lui, se réserve même le droit de bannir à vie un réparateur qui se serait montré, selon lui, indigne de ses véhicules.

Car une question se posera aussi par l’inévitable contrôle a prosteriori que la traçabilité des opérations constructeurs permet grâce à ces connexions identifiées. Dans le cas de litiges, il ne faudra pas non plus compter sur les constructeurs pour être compréhensifs envers les réparateurs multimarques quand il faudra savoir qui doit prendre en charge un moteur cassé ou pire, la responsabilité d’un accident.

Rester vigilant

Un passthru par constructeur, des tarifs à l’unité et la nécessaire performance technique des réparateurs pour pouvoir naviguer dans cette matrice d’un nouveau genre : oui, indiscutablement, il faudra des réseaux pour mutualiser les accès et les formations. Tout en évitant que les constructeurs ne transforment ce risque, qu’ils ont si longtemps repoussé, en opportunité pour s’inféoder les meilleurs indépendants qui font la force de ces réseaux multimarques.

Car même si les constructeurs ont décidé d’accepter la sortie de l’entretien de leurs réseaux historiques pour le permettre à des indépendants dans cette approche presque collaborative, ce n’est évidemment pas en abandonnant leur évidente volonté de s’approprier “leur” après-vente et tout le business pièces et services qu’elle suppose.

Comme d’habitude, nous vous tiendrons au courant…

Jean-Marc Pierret
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