Défaillances d'entreprises : de l'anormal à la normale
On s'y attendait depuis de nombreux mois et l'indicateur trimestriel d'Altares vient de le confirmer : les défaillances d'entreprises s'accélèrent en France depuis le second trimestre 2022. Mais apparemment, pas encore aussi nettement dans le commerce et la réparation auto...
Cette fois, on y est : la fin du « quoi qu'il en coûte » commence à se voir dans la vie et la mort des entreprises. L'indicateur trimestriel d'Altares vient de chiffrer le nombre de défaillances d'entreprises à 34200 sur une année glissante (juillet 2021 à juin 2022), avec une nette hausse de 49,2 % entre avril et juin.
Si l'accélération dépasse déjà les moins de 30000 défaillances qu'avaient permis les aides de l’État entre juillet 2020 et juin 2021, le total demeure toutefois bien inférieur aux plus de 50000 défaillances enregistrées “en temps normaux”, c'est-à dire durant les mêmes période de 2018 ou 2019. « Nous sommes encore loin des pics de la crise financière de 2008 qui dépassaient les 64000, ou même les 52000 procédures enregistrées en 2019 », précise ainsi Thierry Millon, directeur d'Altares. Il souligne que globalement, les entreprises résistent encore, même si leur trésorerie souffre de façon croissante en attendant la reprise de la consommation de ménages qui continuent de préférer épargner...
On doit ainsi « se préparer à enregistrer entre 35000 et 40000 défauts à la fin de l’année », prédit-il sur la foi des déjà 12300 procédures enregistrées depuis le début de l'année 2022.
Auto : se comparer et se consoler
Durant le deuxième trimestre de l'année, les activités de détail ont particulièrement souffert. Le nombre de défaillances y a presque doublé (1337 vs. 772, soit + 73 %). C'est pire dans le bricolage et l'équipement du foyer (+ 93 %) comme dans la vente de meubles et les magasins multi-rayons (+ 92 %), tout particulièrement en alimentation générale.
Du coup, avec 410 défaillances contre 311 au T2 2021, soit + 32 % “seulement”, le commerce et la réparation auto font donc figure de gagnants avec une tendance nettement sous la moyenne globale. Rien d'étonnant dans l'absolu, puisqu'en tant qu'activité essentielle durant les confinements successifs, l'activité réparation s'est toujours plus ou moins maintenue et demeure soutenue du fait du vieillissement du parc. De quoi limiter les endettements de survie des entreprises concernées durant 2020 et donc, par extension, le poids des remboursements qui s'imposent à elles aujourd'hui.
On peut aussi imaginer que les distributeurs-stockistes de la pièce auto, qui affichaient encore des chiffres d'affaires en hausse de +12% en VL et +9% en PL au 2ème trimestre dernier) s'en tirent mieux que les grossistes tous secteurs confondus. D'autant qu'avec 441 défaillances contre 337 au deuxième trimestre tous secteurs confondus, ils affichent déjà un plutôt faible + 31 %. Et s'il faut chercher d'où viennent les perdants de ce commerce interentreprises, Altares les identifie plutôt du côté des matériaux de construction (+ 63 %).
Les entreprises récentes plus bousculées
Alors qu'elles sont largement représentées dans la filière des services auto (40% des entreprises du secteur et 96% de ses emplois selon l'ANFA),on peut s'inquiéter que les petites structures de moins de 10 salariés enregistrent entre avril et juin dernier le plus fort taux de liquidations judiciaires parmi les entreprises en difficulté (+ 76,6 % pour les moins de 3 salariés, + 71,2 % pour les 3 à 5 et + 66,4% pour les 6 à 9).
Mais en nombre, elles résistent plutôt bien. Elles ne progressent "que" de 40,1 % pour les 6 à 9 employés, de 53,5 % pour les 3 à 5 et de 46,9 % pour les moins de 3.
En outre, ce sont d'abord les entreprises créées pendant et après le Covid qui paient le plus lourd tribu. Rien d'étonnant là non plus, car l'INSEE a comptabilisé « un record de près d’un million de nouvelles immatriculations pour la seule année 2021 pour 2,6 millions d’entreprises nées en trois ans, dont 700 000 sociétés commerciales », rappelle Altares.
C'est donc parmi elles que se recrutent « 85 % des défaillances et même 93 % des défaillances d’entreprises de moins de 3 ans ». Peu de chance que ces très nombreux créateurs d'entreprises récentes aient massivement choisi le commerce et la réparation auto, secteur où le ticket d'entrée est plutôt élevé...
À l'opposé, si le taux de liquidations des plus grosses entreprises est moins inquiétant (+ 59,4 % pour les 10 à 19 salariés, + 36,9 % pour les 20 à 49, + 26,5 % pour les 50 à à 99 et + 10,5 % pour les 100 et plus), leur nombre par rapport au deuxième trimestre 2021 s'envole : + 111,1 % pour les 100 salariés et plus, + 113 % pour les 50 à 99, + 92,3 % pour les 20 à 49 et + 61,6 % pour les 10 à 19...