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Relations constructeurs/ concessionnaires : l’immense gâchis

Muriel Blancheton
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Mains serrées

Alors que Bruxelles a ouvert les frontières européennes aux véhicules électriques chinois et que la vague a déferlé jusqu’aux portes du Mondial de l’Auto, les constructeurs et leurs réseaux s’enferrent dans un dialogue de sourd où chacun campe sur ses positions. Les premiers peaufinent de nouveaux contrats de distribution avec un modèle d’agent que les seconds estiment déséquilibré et réfutent par manque d’informations. Certains concessionnaires accusent même certains constructeurs d’être des « prédateurs ».  

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Sondage révélateur : 60 % des distributeurs interrogés par Mobilians en octobre dernier ne seraient pas informés sur les contrats (70 % chez les agents) et 80 % ne sont pas prêts à les signer (85 % chez les agents). Ils ne parlent même plus de partage de valeur mais carrément de transfert de leur valeur au seul profit du constructeur. Au cœur des crispations : la rémunération et la politique commerciale, la cession du fonds de commerce, la prise en charge des coûts spécifiques à l’activité, la maîtrise du négoce de véhicules d’occasion. Chez les agents, la captation de la propriété de la donnée client pose toujours question, mais surtout l’interdiction d’acheter ses pièces ailleurs que chez le constructeur ou un distributeur agréé irrite profondément. Or le temps presse. D’ici juin 2023, les contrats VU devront être rédigés avant d’être soumis à leurs réseaux. Un principe similaire s’appliquera en 2026 pour les contrats VP. Dans un récent communiqué, Stellantis explique démarrer l'expérience de l'agent commissionnaire en version grandeur nature avec l’Autriche, le Belux (Belgique et Luxembourg) et les Pays-Bas dès juillet 2023. Puis, ce mode s'appliquer au reste de l’Europe progressivement. Le constructeur explique également avoir effectué des simulations économiques comparatives avec le nouveau modèle prévu qui démontreraient "une rentabilité au moins équivalente, sinon supérieure, pour notre réseau, tout en considérant une prise en charge accrue des coûts par Stellantis et la réduction de l’exposition aux risques de nos distributeurs". Pour autant, les réseaux sont en état d'alerte et Mobilians lors d'Equip Auto a encore tiré une énième fois la sonnette d’alarme sur des négociations qui n’en seraient pas. La fédération réclame des pouvoirs publics un cadre législatif resserré sur les investissements exigés, les conditions de cession des entreprises et les indemnisations en cas de cession du contrat. Ceci afin de remplir enfin le vide juridique national dans lequel se seraient engouffrées certaines marques qui, d’après les concessionnaires, piocheraient à leur guise dans les différentes moutures de contrats existants : distribution sélective ou contrat d’agence, agent commissionnaire. « Ils prennent différents modèles juridiques qui les arrangent le plus pour construire de nouveaux modèles juridiques et arriver à des contrats gris dont nous pouvons d'ailleurs poser la question de la conformité aux textes européens. Le risque in fine est une maîtrise des prix en direct et une collecte automatique des données, avec le contrôle unilatéral du marché », relève Xavier Horent

Nous demandons la levée des clauses de confidentialité qui empêchent le dialogue, et empêchent Mobilians d’accéder à ces contrats

Encadrer les investissements, les cessions et les indemnisations

L’occasion pour le directeur général de Mobilians de souligner en rouge les impacts socio-économiques de tels contrats : fin d’une distribution et une réparation de proximité assurée par un bassin d’emplois locaux avec une suppression mécanique de ces emplois (275 000 postes non délocalisables), dégradation du service dans ces zones, où par définition, parce qu’elles sont moins rentables, les constructeurs n’investiront pas, poursuite de l’inflation du prix des véhicules… Un immense gâchis par manque de dialogue en France, tandis que certains pays européens ont pris le taureau par les cornes, puisque les mêmes problématiques existent ailleurs. « La Belgique, l’Espagne, la Grèce, l’Autriche, le Luxembourg et plus récemment l’Italie ont décidé d’encadrer la distribution par des dispositions législatives spécifiques dans leur droit national, dans le but de préserver la capacité des distributeurs à contribuer à l’économie locale. Les constructeurs doivent indemniser les investissements non amortis engagés par leurs distributeurs et/ou un droit à l’indemnité compensatrice au profit de ceux-ci en fin de contrat », prône Xavier Horent. 
Dans son plan, Mobilians propose ainsi que la réglementation en droit français porte sur plusieurs dispositions :

  • préciser que les investissements exigés des distributeurs soient raisonnables au regard des perspectives économiques.
  • donner liberté aux distributeurs de céder leurs entreprises en réservant aux constructeurs un droit de préférence, assorti le cas échéant d’une faculté de substitution, leur permettant de conserver le contrôle de leur réseau.
  • prévoir des indemnisations en cas de cessation du contrat, prenant en compte les investissements réalisés par les distributeurs et la clientèle qu’ils ont attachée localement à la marque.

La menace d'un désarmement commercial ?

« Nous sommes en pleine transformation et en plein questionnement sur toute la filière. Les discussions contractuelles actuelles ne sont pas à la hauteur de nos attentes et ne doivent pas être à sens unique ! Nous ne nous substituons pas aux groupements qui négocient avec les constructeurs, mais nous demandons la levée des clauses de confidentialité qui empêchent le dialogue et empêchent Mobilians d’accéder à ces contrats et projeter la filière avec une vraie feuille de route commune », indique le directeur général de Mobilians, pour qui il n’est pas question d’arriver à un désarmement commercial induit par les résiliations passées et facilitant l’entrée de marques essentiellement chinoises au détriment des marques européennes, dont les marques françaises. « Nous nous réservons le droit d’intenter des actions au niveau européen avec le Cecra », assure-t-il. À suivre.   

Muriel Blancheton
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