La MDD prise à son propre piège
La vertu cardinale des MDD (marques de distribution), c’est leur faible coût d’achat par les grandes centrales, qui peuvent ainsi mettre sur le marché des pièces dépositionnées en prix pour servir prioritairement le parc roulant âgé. Mais ça, c’était avant…
Depuis longtemps, la MDD (marque de distribution) joue pleinement et le rôle sociétal qui lui est dévolu dans la rechange et la réparation automobiles. Née tout d’abord dans le retail des premiers centres autos et spécialistes des années 70-80 (ceux qu’on appelait alors « la nouvelle distribution ») sous la pression d’une nouvelle race d’acheteurs issus de la grande distribution, elle est venue lentement mais sûrement s’installer dans la distribution traditionnelle de pièces.
La cohabitation MDD/Premium
Ainsi dépositionnée de 20 à 25 % par rapport à la pièce de marque équipementière – et au moins d’autant par rapport à la pièce constructeur –, elle s’inscrit naturellement dans le budget réduit de possesseurs de véhicules âgés. Tous les acteurs ont adopté cette martingale commerciale : le retail d'abord, puis la distribution traditionnelle et enfin les constructeurs avec les gammes Motrio, Eurorepar ou Omnicraft.
La MDD fonctionne selon un schéma très simple : plus l’achat est âprement négocié par l’acheteur, mieux la MDD sera dépositionnée à la vente. La centrale d’achat ayant fait son gain à l’achat, elle peut sereinement mettre la pièce sur le marché avec un prix bas et une marge réduite.
Voilà pour le constat officiel. Mais les temps changent. Quand tout va bien, cette stratégie marche parfaitement. Quand l’offre est pléthorique et la demande soutenue, on peut à la fois vendre des gammes premium et dépositionner les MDD pour servir les petits budgets. Tout le monde est content : l’équipementier, qui fait tourner ses usines grâce aux deux canaux sans trop toucher à sa marge moyenne ; les distributeurs, qui bénéficient aussi du même équilibre mix/volumes ; et les réparateurs, qui peuvent encore maintenir leur marge pièces avec la même part raisonnable de ventes premium que son distributeur.
MDD sans marge de manœuvre
Mais le système MDD se grippe très vite quand les coûts de production s’envolent du fait de l’inflation des matières premières, du transport et de l’énergie. 60 millions de consommateurs vient récemment de le quantifier dans l’alimentaire en suivant son panier de produits. Les MDD ont, les premières, dû exploser en prix. Parfois jusqu’à + 70 %, pendant que les produits de grandes marques réussissaient encore à afficher des inflations inférieures aux 5 % moyens qu’on vient d’atteindre en France.
Et c’est logique. Négociée presque jusqu’à l’os, la MDD n’a guère de marge de manœuvre. L’explosion de son coût de production se répercute presqu'intégralement dans son prix d’achat et son prix de revente. En comparaison, la marque premium, elle, reste grasse de ses marges de production et de vente. Son producteur peut rogner sur les siennes, comme le distributeur et le réparateur, pour « amortir » l’augmentation en jugulant la hausse finale.
Du moins pour l’instant. Car en rechange, les équipementiers sont confrontés à des conditions de plus en plus exigeantes allant jusqu’à 85 % de remise à l’achat et jusqu’à 40 % de RFA. Forts de ces arguments, ils réussissent logiquement à passer leurs hausses. En force parfois ; plus généralement, à l’occasion de renégociations triennales de fourniture…
Qui perd, qui gagne ?
En MDD, l’impact est moindre pour les centrales d’achat dont l’essentiel des profits se fait dès l’amont (voir l'encadré "les très intéressantes précisions boursières de PHE" en fin de l'article «la MDD, future plaie de l'équipementier»). En MDD comme en premium, elles gardent aussi la main sur plusieurs leviers :
- Celui de la concentration croissante des achats qui permet de gratter toujours plus et donc de compenser les hausses de prix. Ou celui de la répercussion de la hausse des prix d’achat sur ses prix de revente à ses distributeurs aval, voire une réduction du pourcentage de marge compensée en partie au moins par la hausse de la pièce en valeur absolu : 9 % de 110 € valent presque autant que 10 % de 100 €….
- Et si le besoin s’en faisait sentir pour le distributeur, il peut lui-même appliquer la même règle à son client réparateur. Lequel va aussi consentir des remises à ses clients automobilistes si les prix dérapent trop.
Pour l’instant, on n’en est pas encore vraiment là. Car à quelque chose, malheur est bon. Comme on manque de matières premières, que les MDD se sourcent essentiellement en Chine et que cette dernière confine ses usines, vend cher son transport et que la Russie en guerre avec l’Ukraine n’est plus un chemin alternatif au coûteux shipping, tout le monde s’entend pour produire et vendre du premium. Et ce, selon la même règle qu’appliquent les constructeurs : on concentre les productions possibles sur les produits à marge et on maintient, voir améliore considérablement, ses résultats.
Mais jusqu’à quand ?
voir aussi:
"La MDD, future plaie de l’équipementier ? "
"Avec les batteries PL Napa, AAG renforce encore sa stratégie MDD"