La MDD, future plaie de l’équipementier ?

Jean-Marc Pierret
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Futur inquiétant

La MDD vit, du fait de la hausse des coûts de production, des temps difficiles (voir «La MDD prise à son propre piège»). Mais les équipementiers, tout particulièrement les Premium, regardent son avenir avec d’autres frissons. Notamment celui que dessinent les LKQ et autres GPC, dont la culture MDD est forte et leur volonté de la systématiser, comme aux États-Unis, assez probable. Mais pas seulement…

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Aux États-Unis, GPC vend sa MDD NAPA dans son réseau du même nom. Et massivement : elle représente, pour les pièces dites de grandes ventes (PGV), jusqu'à 80 % de ses ventes en la matière. On ne peut lui reprocher : le marché américain s’y prête, lui dont la variété des véhicules et des versions est dix fois inférieure qu’en Europe ; et qui bien achète, bien revend. Et qu’est-ce qui s’achète mieux qu’une MDD ?

En Europe, hormis quelques marchés comme celui de la batterie, les proportions sont à peu près inverses. La MDD, tout particulièrement démocratisée dans les PGV (pièces de grandes ventes hors gammes spécifiques comme la batterie), y pèse environ 30 % des ventes. Dans l’UE, surtout depuis que l’Angleterre en est sortie, le poids des marques équipementières et constructeurs demeure fort. Les équipementiers ne s’en plaignent évidemment pas. La marge, même pilonnée par les exigences croissantes des grandes concentrations d’achat, reste bien supérieure en Premium qu’en MDD…

La pression américaine

Mais pour combien de temps ? Depuis qu’il a racheté Alliance Automotive Group en Europe, GPC pousse à marche forcée sa MDD NAPA sur notre continent. Pour lui, c’est tout bénéfice annoncé puisque l’essentiel de ses profits se fait dès l’achat massif des pièces qu’il distribue sous sa marque. Et il n'oublie pas que sa MDD Napa atteint 75 à 80% de ses ventes de pièces Outre-Atlantique...

Pour son homologue LKQ, le désir est probablement aussi fort puisqu’il partage la même culture de marché natif. Mais il a plus de chemin à faire. Dans son projet « One LKQ » chargé depuis fin 2019 de restructurer son puzzle européen de distributeurs rachetés depuis son arrivée en Angleterre en 2011, il trouvait… 90 «private labels» (le nom anglais de la MDD), en plus de 29 ERP différents et 24 systèmes de facturation divers et variés. La «MDD LKQ», unique et dominante, n’est pas pour tout de suite.

Reste que dans sa dernière réunion avec les investisseurs de début juin, elle est inscrite dans ses objectifs prioritaires d'amélioration de la marge brute, juste après la concentration des achats et, bien sûr, l'amélioration des résultats. Dans le même document, LKQ Corp. souligne d'ailleurs sa satisfaction de voir LKQ Europe avoir progressé en 2021 de 210 millions de dollars (plus de 195 M€) en ventes de MDD...

Surtout quand on découvre la marge que dégage une MDD (voir encadré "les très intéressantes précisions boursière de PHE")...

la MDD, sœur de la LLD ?

Les équipementiers s'inquiètent déjà de la tendance. Car la MDD est évidemment l’ennemi de la marque, mais aussi et surtout de la marge. Et GPC/AAG et LKQ Corp./LKQ Europe sont devenus les deux leaders du marché européen. Leur haut niveau d’intégration, achevée ou en cours, leur donne une latitude inédite pour imposer non seulement leurs prix, mais aussi leur MDD…

L’autre danger que les équipementiers voient apparaître, c’est celui indirectement provoqué par le basculement de la propriété de la voiture vers son seul usage. Le mouvement s’accélère partout en Europe ; et encore plus depuis que les gouvernements, pas seulement Français, réfléchissent tous à favoriser une « LLD sociale » subventionnée afin de massifier l’accès aux coûteuses voitures électriques. Et qui dit LLD dit rationalisation et massification des coûts d’entretien-réparation. Et là aussi, le dépositionnement des prix MDD promet aux gestionnaires de flottes et autres plateformes de gestion de sinistres des lendemains qui chantent.

L'ère des apporteurs d'affaires...

Car si des marques puissantes comme Coca-Cola, Nestlé ou Danone ainsi que des milliers d’autres dans l'alimentaire notamment peuvent s’imposer dans les rayons des supermarchés en gardant les faveurs des consommateurs face aux marques de distributeurs, c’est évidemment moins vrai dans la rechange et la réparation indépendantes.

Quel consommateur, surtout si sa voiture ne lui appartient plus, réclamera spontanément du Valeo, du Bosch ou du Schaeffler quand son entretien est déjà forfaité dans sa mensualité? Et quelle latitude restera-t-il au réparateur et à son distributeur qui auront accepté en amont les conditions (type de pièces et taux de main d'œuvre) de l'apporteur d'affaires ?

Comme d’habitude, nous vous tiendrons au courant…

MDD : les très intéressantes précisions boursières de PHE

Lorsque PHE tentait une seconde fois de s'introduire en bourse, le groupe publiait en mai 2021 l'obligatoire "Registration document" qu'impose l'Autorité des Marchés Financiers pour garantir la pleine information des investisseurs. Très documenté, ce dossier de 342 pages apporte de très précises informations sur l'intérêt des MDD pour un groupe de distribution.

PHE y détaille le chiffre d'affaires de ses trois MDD en 2020: 85 M€ pour Isotech (Autodistribution), 11,5 M€ pour Requal (Doyen) et 8 M€ pour Xenergy (Autodis Italia). Mais au-dela de ces déjà conséquents 104,5 M€ cumulés, ce sont les niveaux de marge qui impressionnent. Si celui d'Isotech n'est pas précisé, ceux de Requal et de Xenergy sont détaillés : respectivement 38,8% et 40% en moyenne... Rien d'étonnant à voir l'ensemble des acteurs de la distribution, à commencer par les grands concentrateurs du secteur, chercher à développer ces cornes d'abondances.

Une preuve de plus que la marge que n'ont plus les équipementiers qui fabriquent les MDD se retrouve bel et bien chez le distributeur...

Jean-Marc Pierret
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