LKQ Europe (suite) : interrogations sur un départ inattendu
Dans les allées d’Automechanika, la question avait encore du mal à trouver sa réponse : qu’est-ce qui peut bien expliquer le départ surprise de Arnd Franz de la présidence de LKQ Europe, en plein milieu du gué et tout particulièrement de ce vaste projet en cours qu’est l’unification au sein du plan "One LKQ" des multiples acquisitions du géant de la distribution ?
Si nombre d’exposants et visiteurs initiés confirmaient l’information sur le salon allemand, les rumeurs allaient d’autant plus bon train sur ses raisons profondes que ni Mahle – dont Arnd Franz devrait devenir CEO – ni LKQ Corporation – qu'il quitterait donc brutalement – ne communiquent encore sur le sujet.
Suspecte impréparation
Les conjectures se multiplient donc sur cet inattendu transfert. Tout d’abord du fait de sa nature même : s’il est courant – et même de bon ton – de réussir une première carrière chez un équipementier pour la transcender ensuite dans la distribution de pièces et services, le trajet inverse est bien plus rare. Certes, lui qui avait quitté l’aftermarket de Mahle en 2018 y reviendrait triomphalement en tant que président de l’ensemble. En soi, un poste digne de couronner une carrière et suffisant pour expliquer cet atypique retour aux sources équipementières.
Mais le mouvement qui semble lié à son arrivée chez Mahle ne ressemble pas non plus à une opération planifiée de longue date comme il sied habituellement à ce type de mercato stratosphérique. Michael Frick, directeur financier de l’équipementier, en avait certes été hissé président "par intérim" en mai dernier. Un intitulé qui rendait cette promotion précaire par définition. Mais il n’a pas démérité, murmure-t-on, a fortiori en cette période bousculée où la compétence financière est essentielle pour cet équipementier en difficulté. Son transfert tout aussi brutal à la direction financière du géant ZF prend donc, dit-on de-ci de-là, des relents de règlement de compte précipité.
Ce sentiment d'imprévu est renforcé par le silence de LKQ. Quand un tel mouvement est planifié, une entreprise – surtout quand elle est cotée et donc sous la surveillance des analystes financiers – organise l'annonce du successeur concomitamment au départ de son prédécesseur...
LKQ Europe à la peine
D'autres évoquent une possible sanction liée au mauvais second trimestre 2022 de LKQ Corporation, et tout particulièrement à celui de LKQ Europe. Il a été décevant pour l’entreprise au niveau mondial (chiffre d'affaires à - 2,7 %) et préoccupant en Europe (- 6,4 %). Un sacré gap par rapport aux + 8,5 % gaillardement affichés par l'activité pièces auto de GPC au niveau mondial et encore plus face aux + 19 % de sa filiale européenne Alliance Automotive Group (voir «GPC performe, LKQ plafonne»).
Au-delà de cette comparaison déjà alarmante entre les performances européennes des deux entreprises américaines (LKQ Europe est en retard de plus de 25 points sur son premier concurrent !), les autres grands consolidateurs du marché affichent ou confessent eux aussi des chiffres à la hausse. En outre, des malicieux n'oublient pas de souligner que le - 6,4 % du deuxième trimestre est aggravé par une inflation européenne qui, elle, atteignait + 8,6 % en juin dernier...
One LKQ étonnamment orphelin
Depuis 2011 qu'il posait son premier pied en Europe (voir «LKQ Europe va-t-il révolutionner la distribution européenne?»), le boulimique conquérant américain a empilé 80 entreprises dans plus de 20 pays européens. Mais il s'est hissé au sommet du marché au prix d'un infernal mikado de 24 systèmes financiers, 29 ERP ou 50 MDD différentes. C'est ce que rappelait l'inventaire à la Prévert présenté lors du lancement en 2019 du vaste plan européen de réorganisation baptisé «One LKQ» (voir image ci-dessous et «LKQ met en route son grand chantier d’unification européenne»).
Beaucoup s'étonnent donc du départ de l'initiateur de ce vaste plan éminemment stratégique en plein milieu du gué. Ils s'en étonnent d'autant plus que, dans un récent communiqué du 2 août dernier, Arnd Franz incarnait encore clairement son projet. Sa sortie médiatique résonne maintenant différemment, puisqu'il y affirmait que « l'objectif du programme One LKQ Europe est de nous permettre d'obtenir en permanence de meilleurs résultats pour nos clients et nos partenaires, à court et à long terme ».
D'ou ces deux questions aussi récurrentes qu'opposées : paie-t-il un résultat à court terme pas assez rapide ? Ou privilégie-t-il une pragmatique opportunité sur l'aboutissement entrepreneurial de sa mission actuelle ?