La MDD, avenir incontournable de la pièce ? (1ère partie)
En destructurant les supply chain et en bousculant les productions notamment chinoises, la pandémie et les secousses géopolitiques ont été paradoxalement favorables à la pièce premium. Les pénuries ont dopé les ventes et les prix des productions équipementières plus locales, donc souvent plus chères. Mais les tendances de fond, elles, continuent d’annoncer l’avènement de la marque de distribution…
(voir aussi : MDD (2ème partie) : les contre-attaques des équipementiers premium)
Vivent les crises ! Toute l’écosystème après-vente auto y a trouvé son compte en 2021 et 2022. En 1ère monte, la pénurie de composants comme de véhicules neufs a favorisé une crise de l’offre. Elle a éteint la guerre des prix et rallumé la montée en valeur des ventes BtoC et BtoB. Faisant fi des chutes des ventes, les résultats des constructeurs comme de leurs fournisseurs ont gonflé jusqu’à l’indécence. A tout le moins, ils ont largement effacé les chutes de volumes des équipementiers.
En rechange, même période initiale d’euphorie. Les pénuries de 2021, puis l’inflation, ont permis à la distribution de pièces de rechange de surfer sur la présence comme sur la revalorisation des stocks pré-existants, tout en répercutant intégralement les hausses aftermarket d’équipementiers contraints sans grande tristesse de favoriser les volumes et les prix de leurs marques premium produites dans leurs usines occidentales.
Opportunes MDD
Mais pour juguler l’inflation mondiale, tous les pays ont élevé leurs taux directeurs et désynchronisé hausses des prix/hausses des salaires afin de stopper la spirale inflationniste quand ils le pouvaient. Elle semble effectivement en passe d’être jugulée : le FMI vient de se féliciter de la voir passer de 8,7 % en 2022 à 6,9 % en 2023, pour la prédire à 5,8 % en 2024.
Mais c’est aussi au prix d’une baisse du pouvoir d’achat probablement durable qui met fin à la grande fête opportuniste des profits. Car la pièce premium, déjà identifiée comme chère, a un autre défaut que la main d’œuvre n’a pas : ses hausses se voient d’autant plus que les remises des champions de la vente en ligne, friands de marques premium, s’identifient en deux clics. Le retournement de tendance date de fin 2022, quand les réparateurs de tous pays ont commencé à tirer le signal d’alarme face à la pression des consommateurs. Les ateliers se sont alors vraiment intéressés à cette alternative jusqu’alors réservée à une part parfois marginale des ventes de pièces sur les marché occidentaux porteurs : les marques de distribution PR.
Ces dernières deviennent donc plus bankables que jamais, même au royaume des marques premium que sont les pays riches. L’institut GFK y constate pour 2023 qu’en grande distribution, les grandes marques agro-alimentaires reculent de 7% pendant que les MDD bondissent de 4%. En rechange auto, la tendance est plus claire encore. Les gammes MDD n’y pesaient encore que 10 à 15% des ventes PR avant crises pour atteindre maintenant 25%, voire 30% !
Étroites marges de manœuvre
Tous les grands groupes de distribution tels que GPC/AAG, LKQ, PHE, etc. ont donc poussé leurs offres MDD, parfois sans grand ménagement comme le fait Alliance Automotive Group en Europe pour NAPA, la marque privée de son actionnaire GPC qui la veut sinon ultradominante comme aux Etats-Unis, à tout le moins mondiale.
Il est vrai que les usines chinoises, est-européennes ou turques ont retrouvé leur allant. Les distributeurs doivent toutefois garder l’œil sur le mix d’une telle stratégie qui peut rapidement devenir délétère. Car les risques sont grands de troquer la proie pour l’ombre : dépositionner l’offre de 20% à 30% permet certes de maintenir les volumes, mais pas les précieuses marges. En se connectant au plus près du sourcing amont des équipementiers, là où ces derniers complètent leurs gammes aftermarket avec les références qu’ils ne produisent pas, les distributeurs peuvent certes espérer améliorer leurs marges à l’achat. Mais pas au point de compenser l’intégralité des baisses de marges laminées par le prix de revente très ajusté des MDD.
Pour ne pas impacter les résultats, les MDD supposent donc des volumes de ventes bien supérieurs à celui des pièces premium qu’elles remplacent. Sans compter que les équipementiers voient le danger venir et tentent, avec plus ou moins de bonheur, d’endiguer ce glissement (voir article « MDD : les contre-attaques des équipementiers premium »)...
La MDD, solution à bien des tendances
Avec finesse ou pas, il faut y aller. Car il y a bien d’autres raisons, structurelles cette fois, très favorables à ces marques privées. Le vieillissement du parc, tout d’abord, qui réclame des tarifs PR adaptés à la valeur vénale décroissante du véhicule. Un vieillissement qui s’accélère bien sûr par le ralentissement des ventes VN induit par les arbitrages économiques des consommateurs.
La MDD s’inscrit aussi -et durablement- dans une désacralisation urbaine de l’automobile. Pourquoi dès lors acheter sa voiture quand son rôle devient de plus en plus subsidiaire dans ces grandes métropoles aux solutions de mobilité alternatives croissantes, métropoles qui doivent concentrer 68% de la population mondiale en 2050 ? Une vraie question d’ailleurs pour les constructeurs qui recrutent la majorité de leurs clients VN parmi les forts revenus urbains...
La MDD, sœur de l’évolution des flottes
Et l’utilisateur qui n’achète plus se tourne de facto vers la location longue durée. Les flottes deviennent stratégiques car de plus en plus majoritaires dans les ventes VN des pays riches. Aux entreprises, moteur initial des ventes flottes, s’ajoutent maintenant les particuliers qui troquent de plus en plus cette désuète propriété statutaire de l’automobile pour son seul usage raisonné.
Où vient se nicher la MDD dans cette tendance ? Dans les réflexions dites « multicycle » chez tous les acteurs de la location longue durée ou de la location avec option d’achat. Schématiquement : au lieu de revendre purement et simplement leurs flottes après le premier cycle de location, les loueurs réfléchissent maintenant à en rester propriétaire pour les relouer plusieurs fois et permettre ainsi aux revenus intermédiaires, voire faibles, de demeurer « automotorisés » sans trop de douleur budgétaire. Et si l'automobiliste propriétaire de sa voiture délègue volontiers le choix de la pièce de rechange à son réparateur, les patrons de flottes, eux, s'arment pour la choisir et l'imposer.
Car quand il s’agit de maîtriser la ligne entretien-réparation du fameux « coût total de possession », les gestionnaires de flottes sont pragmatiques. Ils ont bien compris que, si une voiture neuve peut légitimement exiger des pièces dites d’origine ou de qualité équivalente -donc premium- durant son premier cycle de location de 3 ou quatre ans, ces MDD, dont les qualités intrinsèques sont bien maîtrisées, ouvrent ensuite de belles perspectives de baisse des coûts...
Une guerre mondiale des clients flottes s’annonce donc entre moult protagonistes : loueurs historiques, bancassureurs, constructeurs, équipementiers, distributeurs VN comme PR et réseaux de réparation, pour ne citer qu’eux. C’est une autre histoire sur laquelle nous reviendrons. Mais pour la MDD, c’est déjà consubstantiel à la pérennité de son destin...