Gare à la surchauffe… des lubrifiants
Après une année 2020 marquée du sceau de la pandémie et des confinements, le marché des lubrifiants s’est bien repris en 2021. Selon les chiffres du Centre Professionnel des Lubrifiants, il s’est écoulé 291 431 tonnes d’huiles pour le secteur de l’automobile, soit une hausse de 6 % par rapport à 2020.
Ventes VN en berne, vieillissement du parc et reprise du kilométrage ont joué à plein. Cependant, le marché s’est trouvé profondément désorganisé avec une hausse généralisée du cours des matières premières – huiles de base, additifs, mais aussi énergie et transport – et des tensions d’approvisionnement nées de la forte reprise au sortir du premier confinement. « Nous sommes sur des niveaux de prix historiques avec des huiles de base qui ont doublé. Idem sur les additifs, d’autant que nous sommes sur une industrie énergivore », déclare Grégory Besnard, chef de département Stratégie & Marketing TotalEnergies Lubrifiants France. Au point d’avoir vu s’opérer trois à quatre hausses des tarifs sur le seul exercice 2021 !
« Au mois le mois »
Reste que si le début 2022 conserve le même trend, la hausse du cours des matières premières continue. « Les prix semblaient se stabiliser fin 2021, voire amorcer une décrue. Mais l’impact du conflit ukrainien est démultiplié car le pétrole russe et donc les huiles de base russes représentaient 50 % des besoins européens. La situation est plus que tendue ! », analyse Francis Perry, directeur des ventes France Wolf Oil. « On essaie de répercuter ces hausses au plus juste. D’ailleurs, nos clients distributeurs comprennent que l’on n’a pas le choix », indique Philippe Chadoutaud, directeur commercial Proxitech. En parallèle, l’ombre d’une pénurie dès le second semestre impose de se mettre en quête de sourcings alternatifs. La dynamique pourrait donc ne pas durer. « Des courriers de la part des fournisseurs ont circulé mi-mars, dénonçant les clauses des contrats figeant les prix. Les révisions s’opèrent désormais au mois le mois », indique Ambroise Baron, directeur commercial France Hafa. Les clients anticipent vraisemblablement de probables nouvelles hausses des tarifs. Car en parallèle, dans les ateliers, l’activité semble ralentir. Le prix des carburants impacte directement le kilométrage, et donc la première des entrées atelier…
Course à la faible viscosité… et aux homologations !
Assurer la protection du moteur lorsque les constructeurs imposent des espacements de vidange de plus en plus longs, lutter contre les émissions de carburant et donc de CO2… Les industriels doivent résoudre la quadrature du cercle. Les produits deviennent de plus en plus techniques, les lubrifiants de synthèse avançant des indices de viscosité à froid toujours plus faibles (commercialisation de grades 0W)… et quasiment une nouvelle référence par nouveau moteur conçu ! « Le nombre de nouvelles formulations sorties par les industriels est impressionnant ces dernières années en raison des normes antipollution Euro draconiennes qui obligent constructeurs et fabricants à créer des huiles adaptées. Auparavant, trois ou quatre références répondaient aux besoins du parc ; aujourd’hui, Proxitech gère 800 références de lubrifiants (en intégrant les graisses) ! », détaille Philippe Chadoutaud.
Et dans cette frénésie de nouvelles formulations, la course à l’homologation bat toujours son plein, essentiellement pour les pétroliers historiquement proches des constructeurs, et qui considèrent que l’homologation est LA clé pour la commercialisation des produits en aftermarket. « Les homologations constructeurs sont essentielles sur des moteurs de plus en plus pointus, avec des rendements toujours plus performants et des consommations basses. Et l’huile contribue à ces performances », déclare ainsi Florian Letort, directeur TotalEnergies Lubrifiants Services Automobile. Cependant, « le juge de paix en cas de litige reste la norme du moteur (ACEA, API, etc.) », rappelle Ambroise Baron (Hafa).
Électrique : promesses d’un avenir branché
Alors que Bruxelles impose une transition énergétique à marche forcée faite d’électrification du parc, quel avenir se donnent les spécialistes du secteur ? « Pour l’instant, les VE ne représentent que 10 % du parc neuf, soit 200 000 véhicules sur un parc à 2 millions d’unités. Nous sommes qui plus est sur un marché du VO thermique trois fois plus important (6 millions d’occasions écoulées en 2021). Tous les acteurs planchent sur de nouvelles solutions dont le carburant de synthèse pour remplacer le pétrole. Le tout-électrique, ce n’est pas pour tout de suite », estime Francis Perry (Wolf Oil). Même son de cloche chez Hafa : « Avec une durée de vie des véhicules estimée aujourd’hui à près de vingt ans, il y aura un parc thermique à entretenir pour de nombreuses années », déclare Ambroise Baron.
Des produits qui s’adaptent au marché…
Et même après, le lubrifiant ne disparaîtra pas. « Lors d’une charge rapide, la température de la batterie augmente significativement; or le refroidissement par air devrait céder la place à une technologie de refroidissement par huile plus efficace », poursuit le directeur commercial Hafa. Ce que proposent d’ores et déjà les pétroliers. « Nous prenons définitivement en compte l’évolution du parc roulant vers des énergies alternatives et nous nous préparons à répondre à cette demande en croissance avec des produits adaptés grâce à nos liens étroits avec les constructeurs. Shell a ainsi développé une gamme e-Fluids », précise ainsi Mélodie-Anne Camerini, responsable marketing France. Pour ces mêmes applications sur VE et VH, TotalEnergies propose quant à lui une gamme baptisée Quartz EV Fluid (pour VL) et Rubia EV Fluid (segment PL).
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