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Maintenance électronique : "l’agent multimarques" face aux embûches des constructeurs

Romain Thirion
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CDA Gateaway passthru

En permettant l’accès aux Gateway et Passthru des constructeurs, les fabricants d’outils de diagnostic électronique et leurs partenaires distributeurs ont les moyens de faire passer le réparateur du statut de MRA à celui d’"agent multimarques". Mais les constructeurs n’ont pas dit leur dernier mot dans cette course de vitesse…

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"Maintenance électronique : réparer à armes égales". Tel était le thème de l’une des tables rondes organisées par la Feda à l’occasion du Club de la distribution automobile (CDA) du 2 décembre. Un événement fort bien intitulé, puisqu’aujourd’hui, les fabricants d’outils de diag’ ont les moyens de faire monter les garagistes indépendants en compétence, à hauteur des concessionnaires et agents de marque pour ce qui est de la maintenance électronique. Et la législation européenne est de leur côté dans ce combat.

Depuis vingt ans, en effet, le règlement 1400-2002 de l’Union européenne permet le principe d’équité dans l’accès aux informations techniques. Puis, les règlementations Euro5 VL (2009) et Euro6 VI (2014) ont garanti à tous les réparateurs l’accès aux informations de pollution des véhicules. Enfin, le protocole SAEJ2534 (2013-2015) assure à tous les garagistes l’accès aux informations techniques multimarques via l’interface Passthru. Mais les règlements ONU R155 et R156 (2022-2024) sur la cybersécurité peuvent changer la donne car il permet aux constructeurs de définir des accès spécifiques au diagnostic "cyber-sensible".

La cybersécurité, vrai changement de paradigme

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L’industrie a réagi via des normes, comme l’ISO 21434 sur la cybersécurité, détaillant les processus à mettre en œuvre pour la garantir, en suivant le règlement R155. « Le R155 n’inclut aucun délai de protection pour l’après-vente, mais la Commission européenne a revu le problème et les droits de la rechange doivent être adressés prochainement à Bruxelles, car c’est un grand changement de paradigme qui se dessine », témoigne Sylvia Gotzen, secrétaire générale de la Figiefa, fédération européenne des distributeurs indépendants. Car la cybersécurité a poussé les constructeurs à clôturer le véhicule par des mesures de protection spécifiques.

Les constructeurs automobiles, en effet, peuvent désormais établir leurs propres critères pour la mise en œuvre de leurs systèmes de gestion de la cybersécurité (CSMS). Dans ce contexte, la communication pourtant légitime des opérateurs indépendants peut être considérée par les constructeurs comme une cyberattaque potentielle. Ainsi, en tant que concurrents commerciaux directs des acteurs du marché de l’après-vente, ces derniers peuvent désormais fixer des normes exclusives et mettre potentiellement en faillite l’ensemble du secteur des pièces de rechange indépendant. Celui-ci doit donc veiller à ne pas être privé d’accès aux véhicules en dépit de la "menace" qu’ils représentent.

L’engageante charte des équipementiers

Pourtant, les équipementiers fabricants d’outils de diagnostic et de maintenance électronique et leurs partenaires de la distribution indépendante ont doté le réparateur de tous les outils « pour faire en sorte que le MRA devienne un véritable agent multimarques », selon Gérard Pérot, responsable technique national d’Autodistribution. « Il y a des règles à respecter et il est essentiel que la distribution indépendante puisse certifier la maintenance réalisée sur les véhicules, quelle que soit la marque », poursuit Thierry Leblanc, directeur France/Benelux de Bosch Automotive Aftermarket. « La question de la conformité du véhicule vis-à-vis de la législation est capitale », reconnaît Eric Salomé, responsable customer car d’Actia Group.

La réponse des équipementiers à ces nouveaux défis est matérialisée par la toute récente charte "Diagnostic sécurisé" présentée sur Equip Auto on Tour. « La charte permettra d’assurer que le garagiste qui utilise les outils des équipementiers signataires sera protégé en ce qui concerne la qualité de son intervention. Reste bien sûr à le former à la maîtrise de nos outils », confirme Thierry Leblanc. Car depuis que le groupe FCA a introduit la notion de Gateway sur la prise OBD de ses véhicules, à commencer par la Fiat 500, de plus en plus de calculateurs sont verrouillés. « L’intérêt de nos outils est de permettre au réparateur de montrer patte blanche et d’intervenir en toute sécurité », précise Sébastien Lantigny, responsable diagnostic chez Delphi Technologies.

Vers un tarif T4 ?

Toutefois, l’accès garanti par les équipementiers ne se fait pas si simplement. « Chaque utilisateur doit payer pour l’accès aux équipements protégés, mais l’équipementier peut l’aider », explique Eric Salomé. Et heureusement car le montant est parfois très élevé. D’une somme de quelque 20 000 € chez Renault, cela peut grimper jusqu’à « plusieurs centaines de milliers d’euros chez le groupe Volkswagen, qui cherche actuellement à vendre aux équipementiers un package complet comprenant toute l’information technique que nous devons implanter dans nos outils », souligne Sébastien Lantigny. Bien sûr, la maintenance elle-même reste de la responsabilité du réparateur et s’il s’appuie sur les outils des équipementiers, la clef qu’il obtient lui est personnelle et garantit la traçabilité de sa prestation, erreurs comprises.

Les fabricants d’outils de diag’ ont chacun leur façon de délivrer ce point d’entrée. Reste que le coût de celle-ci et la complexité d’accès aux différents équipements verrouillés pourra nécessiter que le tarif auquel la maintenance électronique est pratiquée évolue. « Même des opérations simples comme une vidange pourront le nécessiter, il va donc falloir que le taux horaire des réparateurs soit modifié, car il est impensable de continuer de travailler à 60€ de l’heure. Le coût du déverrouillage devra être répercuté sur la facture et si la clef d’activation nécessaire s’élève à 15 ou 20€ voire plus, il faudra envisager un T4. Le niveau exigé du réparateur va au-delà des compétences du mécanicien et la montée en compétence nécessaire doit être payée », insiste Gérard Pérot. « Il faut aussi sensibiliser nos gros clients, assureurs ou loueurs, pour qu’ils intègrent le coût de l’opération dans leur prise en charge », appuie Thierry Leblanc.

Des codes d’activation sur les pièces

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La situation reste toutefois propice à l’abus des constructeurs. « L’un d’entre eux avait augmenté le prix de l’information technique de 1 000 % d’une année sur l’autre et la Cour de justice européenne s’est penchée sur le dossier. Par ailleurs, les constructeurs commencent à imprimer des codes d’activation pour le montage de certaines pièces d’origine, le problème étant que certains desdits codes ne peuvent être lus avec l’outil de diagnostic ou nécessitent une connexion supplémentaire au serveur du constructeur », déplore Sylvia Gotzen. Sans ces codes, bon nombre de pièces ne pourraient pas être installées et les composants de l’architecture électronique du véhicule ne pas être connectés correctement. Quant aux pièces équipementières, elles pourraient tout simplement ne plus pouvoir être posées…

Une série d’amendements sera proposée par la Figiefa et l’Afcar à Bruxelles pour contraindre tout débordement des constructeurs. L’objectif : pousser ces derniers à fournir une liste de pièces pertinentes pour la cybersécurité des véhicules, fournir des informations d’activation pour l’installation des pièces, fournir des informations sur la compatibilité et l’interopérabilité pour le développement des pièces, et mettre en œuvre un système d’authentification normalisé européen pour l’accès légitime aux opérateurs indépendants. La continuité des activités des fournisseurs de pièces détachées sur le marché de l’après-vente en Europe est à ce prix.

Romain Thirion
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