EXCLUSIF – AXA et ses experts (suite): les dessous du contrat
Peut-être AXA nous sera-t-elle reconnaissante de ne pas avoir publié ici l’intégralité du document que l’assureur a soumis à ses experts mi-avril dernier : notre rôle n’est pas de fournir inutilement tout son contenu à sa concurrence. Qu’elle nous pardonne en revanche d’en reproduire ci-dessus la première et la dernière pages. Elles suffisent —mais sont nécessaires— à expliquer l’actuelle fronde des experts soumis à ses exigences et qui sont nombreux (à peu près la moitié ?) à refuser de signer cet «Accord Honoraires AXA 2014».
Certains envisagent même de saisir l’ANEA dont ils attendent que, face à de telles exigences assurantielles, elle siffle la fin d’une partie où «AXA joue hors jeu et redéfinit ses propres règles à son seul avantage !», s’exaspère un expert. Un autre s’inquiète plus généralement : «Si ce genre de diktat est accepté, ce sera l’hallali : c’est le type de mauvaise idée faite pour être copiée par les autres assureurs»…
En outre, certains experts considèrent que ces objectifs, qui sont rétroactifs au 1er janvier 2014 (!), imposent d'être particulièrement brutal sur le reste du semestre en termes de cotation pour tenter de revenir à une valeur moyenne "acceptable" par AXA sur le 1er semestre.
Voilà donc l’ANEA, qui est déjà de toute évidence officieusement saisie, maintenant officiellement prévenue d’une belle cause à défendre…
AXA propose +1,20% maxi… contre -2% à -10% !
Et c’est vrai que le contrat est pour le moins léonin, même s’il sait aussi proposer un "bonus". Pour les meilleurs experts (classés «A») : +1,20% maxi sur chaque mission (soit + 1,12 € pour l'honoraire moyen de 93 € constaté chez Axa) ; les «B» se contentent de +0,90%. Rien bien sûr pour les «C» (comme «Cancres»?) qui, eux, savent déjà qu’ils ont jusqu’à fin juin pour rentrer dans le rang.
Car à défaut, passé le 1er semestre et à compter du 1er août, le bâton coûtera alors bien plus cher que la carotte ne promettait de rapporter :
- si non atteinte de l’objectif sur le contradictoire durant le 1er semestre en cours : -8% ;
- si non atteinte «d’un objectif au moins» sur le chiffrage des non réparés et/ou le taux moyen de VS (Valeur de Sauvetage) alors que le contradictoire est tenu : -2% ;
- si non atteinte de l’objectif sur le contradictoire et au moins un objectif non tenu sur le chiffrage des non réparés et/ou le taux moyen de VS : -10%.
Philippe Cousin, le directeur des achats assurantiels et des prestataires extérieurs d’AXA, l'annonçait dans le courrier AXA que nous révélions de la semaine dernière : si les mauvais élèves ainsi sanctionnés n’ont pas redressé leur copie avant décembre 2014, ces minorations de missions seront réputées définitives dès 2015…
BCA : deux poids, deux mesures...
La page 18 a également agacé les experts, du moins ceux qui ne sont pas BCA. En effet, seuls les cabinets libéraux sont sanctionnables financièrement dans les proportions évoquées ci-dessus. Les agences BCA, elles, jouissent d'un statut particulier. Elles ne sont punissables que via une baisse du nombre de missions : sauf mise en pratique des préconisations AXA, le volume de ces missions sera réduit de 10% «au moins» dès le 1er août 2014 et de 16,7% «au moins» dès le 1er février 2015 (soit «-25% en effet cumulatif», calcule AXA).
Pourquoi donc cette différence de traitement ? Les experts contactés se perdent en conjectures mais se disent certains d’une chose : «AXA, en tant qu’actionnaire du BCA, a dû trouver ainsi une façon de ne pas se tirer une balle dans le pied…»
VRADE en vrac
Au détour des autres pages du document AXA, on découvre l’exigence d’une «valeur de sauvetage qui doit être chiffrée sur la base de 25% de la VRADE» (Valeur Résiduelle à Dire d’Expert). Elle mérite d’être un instant étudiée.
Car dans ce cas précis, la question de l’indépendance de l’expert se pose une nouvelle fois : censé pourtant évaluer en toute indépendance la valeur du véhicule, il se voit sommé par AXA de la sous-évaluer mécaniquement de 25%, quel qu’en soit l’état. Au risque sinon d’être lui-même pénalisé financièrement pour «non-respect» de cette obligation en dépit de l'article L-326-6 Ibis du code de la route qu'un de nos lecteurs-commentateurs vient de rappeler (voir "expertlibre" ci-dessous) : «les conditions dans lesquelles un expert en automobile exerce sa profession ne doivent pas porter atteinte à son indépendance».
Une certitude au moins : avec de telles pratiques, AXA n’est guère l’ami des experts… et encore moins celui des carrossiers.