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Table ronde : Le rôle économique de l’expert au menu de l’AJTE

Romain Thirion
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Le 27 septembre dernier, l’Association des journalistes techniques et économiques (AJTE) avait invité les principales organisations professionnelles de réparateurs et d’experts à venir discuter du présent et de l’avenir du “rôle économique” de l’expert en automobile. Un événement où les fédérations de carrossiers et d’experts non agréés ont pu évoquer les freins à la bonne entente entre les deux professions, qui gagneraient naturellement à s’entendre pour regagner une véritable indépendance vis-à-vis des mandants assureurs.
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Qu’est-ce que le “rôle économique” de l’expert ? A-t-il toujours existé ? Prend-il le pas sur le rôle technique que confère à l’expert son texte référence, le Code de la route ? Ne faut-il pas le repenser pour apaiser les tensions entre les professionnels de la réparation et ceux de l’expertise automobile ? Autant de questions dont l’Association des journalistes techniques et économiques (AJTE) avait invité les principales organisations professionnelles de réparateurs et d’experts à débattre à l’occasion d’une table ronde, à Paris, le 27 septembre dernier.Un événement où, côté réparation, étaient présents la branche carrossiers du CNPA (Yves Levaillant, président, et Ouaïba Sardi, secrétaire générale), la FNAA (Marie-Françoise Berrodier, présidente des carrossiers, et Serge Valet, médiateur national) et la FFC Réparateurs (Jean Pais, vice-président, Benjamin Labonne, président de la région Auvergne, et Christophe Bazin, secrétaire général). En revanche, côté expertise, seul le SEAI (Syndicat des experts en automobile indépendants), avec Wilfried Reinermann, son secrétaire national, et Sylvain Pecqueur, son trésorier, était au rendez-vous. Ce qui n’a pas empêché les présents de dialoguer sereinement et d’exposer leurs arguments autour de cette notion de rôle économique de l’expert. C’est d’ailleurs un expert de profession, dans le métier depuis près de trente ans, qui a lancé la discussion.
Le bon temps de l’expert technicien
« J’ai vécu l’évolution du métier depuis 1989, époque où Jean Barataud était président de la CNSEAMI (NdlR : Chambre syndicale nationale des experts en automobile et en matériel industriel – ancêtre de l’ANEA), mais j’ai commencé comme salarié d’un atelier de réparation, explique Wilfried Reinermann, également expert dans le Val-d’Oise (95). A l’époque, nous étions admiratifs des experts en automobile et passer de l’atelier à un cabinet d’expert, après avoir reçu la formation nécessaire, était synonyme d’ascension professionnelle. » Devenu patron de son propre cabinet à la fin des années 1990, Wilfried Reinermann estime que, jusqu’au début des années 2000, « les relations étaient bonnes avec les mutuelles, je ne travaillais qu’avec elles », précise-t-il.« Mais très vite, nous avons été amenés à dresser des statistiques économiques, ajoute-t-il. Le phénomène a tellement dérivé, aujourd’hui, que l’assuré, celui qui est accidenté, est la dernière roue du carrosse ! Il est essentiel de remettre la technique et la sécurité routière en avant, d’autant que nous, experts en automobile, ne sommes pas experts comptables… » Ouaïba Sardi estime que le point de rupture, le moment où le rôle économique de l’expert a commencé à dépasser son rôle technique, « date de l’envoi par Edouard Balladur, alors Premier Ministre, en 1994, d’un courrier encourageant les assureurs à utiliser les compétences des experts en automobile, en dérogation de la loi de 1972 relative à l'organisation de la profession d'expert en automobile, pour contrôler les prix moyens de la réparation-collision ; un courrier qui n’a aucune valeur légale», déplore-t-elle.
Retrouver l’équilibre client-réparateur-assureur
A son tour, Benjamin Labonne a insisté pour que soit repensée la place de l’expert dans le juste équilibre entre client assuré, carrossier et assureur. « L’expert doit s’en tenir à une neutralité technique et économique or, aujourd’hui, puisque les positions qu’il prend vont généralement dans le sens du mandant assureur, les autres parties n’ont plus d’autre choix que de contester ses décisions », estime-t-il. Sylvain Pecqueur, qui a lui aussi commencé l’expertise après avoir découvert le métier de réparateur auprès de son père, se souvient de 2004 comme l’année de l’arrivée massive des statistiques économiques. Et juge que, « aujourd’hui, le propriétaire du véhicule est laissé de côté, d’autant plus que l’expert représente souvent plus les intérêts de l’assureur que du client ».« Sans compter que des acteurs nouveaux sont apparus au cours des quinze dernières années, par la volonté des assureurs : les plateformes de gestion de sinistre, qui n’ont pour objectif que la maîtrise du coût moyen sinistre, sans cesse perturbé par la hausse continue du prix des pièces », témoigne Christophe Bazin, qui connait d’autant mieux ce monde-là qu’il a exercé des responsabilités au sein de Nobilas, plateforme de gestion de sinistre d’AXA, entre autres.« Aujourd’hui, il y a le chiffrage autonome du réparateur (NdlR : le CAR est un dispositif mis en place par Covea), mais aussi des applications comme PixAuto, de Capsauto, qui permettent à l’assuré de faire de l’expertise photo à distance pour permettre à son assureur de faire un chiffrage, déplore Marie-Françoise Berrodier. Non seulement, cela va à l’encontre du libre choix du réparateur, mais à la fois le carrossier et l’expert se retrouvent mis de côté par un tel procédé », ajoute-t-elle. « La notion de contradictoire n’existe plus : on fixe un objectif économique à atteindre, point », reconnaît Serge Valet.
Le double-tranchant de l’agrément
« Le problème est que dans notre métier de réparateurs, en tant que prestataires de service, il n’y a pas de notion de vente à perte, donc facturer des tarifs horaires plus bas dans le cadre d’un agrément a beau perturber la rentabilité de l’établissement, on ne peut pas accuser les assureurs d’être dans l’illégalité, ont souligné Yves Levaillant et Ouaïba Sardi. Tout le problème, au fond, tient dans le fait que le métier est aujourd’hui structuré en grande partie autour des agréments d’assurance et que, par ce biais, c’est l’assureur qui s’arrange en amont pour définir le coût moyen sinistre qui lui convient. »Serge Valet et Marie-Françoise Berrodier ont, eux, déploré l’absence des principaux représentants des experts « agréés », « qui sont au centre de la question de l’indépendance de l’expert et qui sont en passe de se faire dépasser par les plateformes de gestion de sinistre », fortes d’outils de chiffrage automatisés. Pour contourner le problème de l’agrément, de l’expert comme du réparateur, et redonner enfin du pouvoir au propriétaire du véhicule, le CNPA demande notamment à ce que le lien expert-assureur soit coupé en ne laissant qu’à l’assuré le droit de mandater l’expert. « Nous devons rappeler avec force que le droit contractuel ne prime pas sur le droit général », a insisté Ouaïba Sardi.
Romain Thirion
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