Otop repris par Point S et l’association des concessionnaires

Jean-Marc Pierret
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L'identité du mystérieux repreneur est enfin officialisée : c'est Point S qui, avec l'appui de l'association des concessionnaires Otop, vient de reprendre l'entreprise de distribution “phygitale”. Mais que diable vient faire Point S sur ce créneau de marché qui a encore tout à prouver ?
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Le ciel s'éclaire pour Otop. L'entreprise ne rejoindra pas la triste cohorte des sociétés victimes collatérales du Covid. Le tribunal de Commerce de Paris, qui avait mis sa décision en délibéré jusqu'au 27 juillet, vient de rendre son verdict le 28 au matin : la société est reprise par le binôme des concessionnaires Otop associé à... Point S, qui s'avère être donc le mystérieux partenaire-repreneur évoqué dans nos précédents articles (voir leurs premières réactions dans l'encadré ci-dessous). Le secret était certes de moins en moins dense, mais il attendait encore d'être officiellement levé. C'est donc chose faite.

La cession de la marque Otop au repreneur, condition suspensive de l'offre, avait déjà été entérinée par Newdis France, sa société fondatrice. Mais c'est aussi, en grande partie, l'abandon de 1,5 million d'euros de créances par les concessionnaires Otop que leur devait Newdis France à fin juin qui a rendu cette reprise possible.

L'atout Otop pour Point S

Otop apporte-t-il un marché BtoB permettant à Point S d'atteindre un CA susceptible de justifier sa propre centrale d'achats de pièces ? Quand Point S et Siligom créaient Viasso fin 2016, ils ambitionnaient de fédérer les indépendants de l'entretien-réparation au sein de cette structure de massification d'achats. Mais la pièce n'y pesait alors pas très lourd face aux pneus : Point S et Siligom affichaient alors quelque 580 millions d’euros de chiffre d’affaires dans l’Hexagone, soit respectivement 415 et 165 M€ ; mais dont seulement 103 et 49,5 M€ hors pneu. Un Otop changerait donc la donne en matière de volumes pièces...

Car si Point S ajoute ainsi un concept BtoB à son catalogue d'offres (BtoC avec Point S Centre Auto, Point S Entretien Auto, Point S City et Point S Glass ; BtoB avec Point S Industrie pour le PL et l'agraire), ses 568 points de services en France trouvent aussi dans Otop un réseau intéressant en matière de dépannage. La “version 2” d'Otop semble pouvoir toujours proposer aux réparateurs des pièces à des prix approchant ceux d'Oscaro, affirme l'association des concessionnaires. Les centres Point S vont donc avoir intérêt à y faire leur marché, au moins pour les rendez-vous pris à J+1 ! Il risque donc d'y avoir, à terme, du chahut dans les accords de dépannage pièces signés par le réseau de pneumaticiens.

Mais en attendant, la solution de l'approvisionnement a été pragmatiquement trouvée par les concessionnaires Otop auprès d'Exadis. Le réseau de 9 plateformes régionales est certainement très content d'avoir trouvé ainsi un nouveau débouché commercial. Surtout à l'heure où ses deux clients-actionnaires, Renault et Mobivia, lui cherchent encore un destin...

A en croire d'ailleurs les gammes proposées par Exadis, l'offre d'Otop (35 000 références dans la “version 1”), devrait même pouvoir s'améliorer. Et tout particulièrement dans ces pièces techniques à fortes valeurs unitaires, justement celles qui séduisent prioritairement les réparateurs-clients d'Otop, alors même qu'elles n'étaient pas initialement ciblées par les référencements de l'entreprise. Plus immédiatement intéressant en effet d'avoir 30% de remise supplémentaire sur un embrayage ou un compresseur que sur un jeu de plaquettes ou de balais d'essuie-glace...

Quant aux pneus, gamme également prisée des ces même clients-réparateurs d'Otop, qui mieux que Point S peut les fournir au juste prix d'achat ?

L'atout Point S pour Otop

La dimension internationale de Point S a aussi, à n'en pas douter, dû aider à convaincre le tribunal. Car le concept Otop est évidemment exportable sur d'autres marchés. Point S est crédible en la matière, lui qui revendique 5 500 points de vente dans le monde, répartis dans 38 pays dont l'Europe bien sûr, mais aussi les États-Unis et l'Asie, dont cette Chine où le digital est roi. Otop pourrait aussi s'essayer à l'agraire, au PL ou à la manutention, secteurs où officie déjà Point S pour les seuls pneumatiques...

Si donc Point S n'a probablement pas payé cher la reprise d'un Otop noyé dans son endettement (le chiffre consenti par le réseau de pneumaticiens est «confidentiel», donc probablement assez bas), sa taille et ses potentialités de développements ont sûrement suffi à convaincre. A en croire sa page Wikipédia, Point S Group réalise en effet 450 millions d'euros en France et quelque 3 milliards au niveau mondial. Et encore ces chiffres ont-ils dû évoluer, puisqu'ils correspondent à une époque où Point S revendiquait 3 500 points dans le monde, alors qu'il en affiche maintenant plus de 5 500...

Relancer et asseoir le développement d'Otop

Reste bien sûr maintenant à réussir l'essentiel : redémarrer une machine bloquée depuis le début du confinement. L'association des concessionnaires semble sereine, espérant relancer l’essentiel de l'activité fin août, début septembre, le temps notamment de “brancher” les appros d'Otop sur Exadis.

Point S et ses 568 points de services contrôlés par 500 entrepreneurs constituent maintenant un évident vivier où recruter, potentiellement très rapidement, les concessionnaires Otop manquants.

Car le destin immédiat d'Otop va continuer à dépendre de sa capacité à couvrir rapidement le territoire français. Au moment de sa chute, le distributeur digital couvrait 55 zones de distribution (concessions et filiales comprises) et allait nationalement facturer 12 M€, très loin des 128 centres initialement visés à fin 2019 pour 86,4 M€. Il était donc très en retard sur son plan de marche dévoilé lors de son lancement début 2018. Et encore plus loin des 170 zones en 2021 réputées nécessaires pour couvrir toute la France et accrocher l'objectif final de 225 M€ de chiffre d'affaires à fin 2021.

Cet enjeu n'échappe visiblement pas à Point S : «L’objectif à deux ans est de porter le nombre de centres de services (concessions) à plus de 100 sur le territoire français puis, de développer le concept à l’international», conclut son communiqué.

Comme d'habitude, nous vous tiendrons au courant...

Premières réactions

Point S est visiblement satisfait de cette acquisition : «comme Point S, Otop est un réseau d’indépendants, souligne le communiqué de reprise ; un ADN commun fondamental dans leur vision du développement». Il poursuit en soulignant la dimension stratégiquement digitale de l'acquisition. «Otop se positionne comme un acteur phygital, alliant site d’achat en ligne pour les professionnels, et réseau physique de relais de distribution sur le terrain. Otop maîtrise la livraison du dernier kilomètre, le nerf stratégique de la logistique».

  • Christophe Rollet, Directeur général de Point S Group : «La reprise d’Otop est pour Point S un développement stratégique qui ouvre une opportunité d’activité complémentaire et de nouveaux services à nos adhérents comme à d’autres professionnels. C’est une opportunité de marché, qui marque le poids de notre Groupe sur les outils digitaux de demain. Cet investissement ne remet pas en cause nos partenariats actuels avec les plus grands acteurs du secteur. Et nous sommes forcément satisfaits de participer à sauver plus de 130 emplois directs et indirects en cette période de crise économique

  • Stéphane Le Mounier, président de l’association des concessionnaires Otop : «Nous sommes très satisfaits de la décision du tribunal. Le concept Otop est sauvé. Nous allons pouvoir nous redresser grâce à l’appui d’une enseigne forte et mondiale avec laquelle nous partageons les mêmes valeurs. Surtout, nous sommes soulagés de sauvegarder plus de 130 emplois qui étaient en péril.»
Jean-Marc Pierret
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