Pièces de carrosserie : pourquoi la Feda repart à l’assaut du monopole

Jean-Marc Pierret
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Le 16 mars, la Feda a déclenché une spectaculaire campagne visant à rappeler au gouvernement ses promesses faites début 2019 en matière de libéralisation des pièces de carrosserie captives.

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La FEDA déploie une double campagne médiatique et parlementaire pour obtenir enfin la loi promise début 2019 par Édouard Philippe, alors Premier ministre. Si elle doit permettre d’écorner le monopole des constructeurs français et si les espoirs de la voir enfin votée avant fin 2021 sont réels, la Feda sait sûrement qu’il ne s’agira que d’une étape et pas encore de la révolution concurrentielle espérée…

Tout en rappelant les hausses appliquées par les deux constructeurs français en 2019 (+13 % par Renault, +11 % par Peugeot et +8 % pour Citroën et DS), puis en 2020 (respectivement +4,28 %, +9,29 % et +8,77 %), la Feda souligne la spécificité du monopole en France. « 80 % du parc automobile européen bénéficient d’une libre concurrence sur le marché des pièces détachées. Ce n’est pas le cas en France où Renault et Peugeot sont détenteurs du monopole des pièces détachées dites captives (pièces de carrosserie, vitrage, feux, rétroviseurs). »

Faire voter une loi française avant fin 2021

Cette campagne s’inscrit dans un plan précis : accompagner le Parlement dans le dépôt d’une toute prochaine proposition de loi, explique Mathieu Séguran, délégué général de la Feda. Portée par Damien Pichereau, député LRem de la Sarthe et Vice-président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, elle semble avoir toutes les chances d’être soutenue par une centaine d’autres parlementaires. De quoi espérer, poursuit Mathieu Séguran, que la proposition soit entérinée d’ici mai et inscrite dans la foulée par le gouvernement au calendrier législatif de septembre. « Si tout se passe bien, la loi peut être votée cette année », escompte-t-il.

En France, ce calendrier semble effectivement pertinent. Dans un climat de pré-campagne présidentielle et sur fond de crise économique, le thème du pouvoir d’achat dans ce pays aux 39 millions de VP roulants s’annonce évidemment porteur. Et les promesses d’Édouard Philippe de mars 2019 (même si elles initiaient une libéralisation toute relative), restent évidemment à tenir par son successeur. Après deux tentatives consécutivement rejetées pour inconstitutionnalité procédurale, la Feda espère que la troisième sera la bonne.

Suivre l’exemple allemand

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D’autant que la France est effectivement plus seule que jamais en Europe. Jusqu’à fin 2020, La France et l’Allemagne, dans des formes légales différentes, restaient deux solides bastions monopolistiques capables de résister aux réguliers coups de boutoir portés contre leur monopole. Mais depuis décembre dernier en effet, l’Allemagne a fait faux bond à ce front du refus. Elle a adopté la fameuse « clause de réparation » libéralisatrice qu’appellent de leur vœux l’ensemble des acteurs indépendants européens depuis près de 30 ans.

Certes, cette loi ne peut être rétroactive. Et les constructeurs allemands se sont ménagé le temps de prendre pleinement leur souffle avant de devoir affronter la vague concurrentielle. « Dorénavant et à condition que les constructeurs renouvellent leur protection tous les 5 ans, les pièces peuvent encore être protégées pendant 25 ans », explique ainsi Hartmut Röhl, président de la Figiefa (association européenne des distributeurs indépendants) et de la GVA, l’équivalent allemand de la Feda. Une pièce de carrosserie lancée fin 2020 deviendra donc concurrencée… fin 2045.

Il s’agit évidemment d’une éternité. Et ce, même si cela signifie aussi qu’outre-Rhin, une pièce datant de fin 2000 tombera inéluctablement dans le domaine concurrencé fin 2025. Pas de quoi sabrer le champagne de la liberté et de l’effervescence commerciale. Surtout quand on sait qu’en France comme probablement en Allemagne, 75 % du marché de la pièce de carrosserie concernent des véhicules de moins de 10 ans…

7 ans, 10 ans, 25 ans ?

S’abstenir donc de rêver au grand soir concurrentiel. Dans un aussi monstrueux et complexe dossier impliquant des pans entiers des industries nationales des deux côtés du Rhin, il ne peut y avoir de miracle immédiat. Les indépendants français comptent surtout sur cet exemple allemand pour faire sinon tomber, au moins ébranler enfin les fondations du monopole français.

En France, la Feda ne s’attend d’ailleurs pas à obtenir un délai de protection inférieur à 10 ans, même si les parlementaires comptent tenter de plaider 7 ans “seulement”. Rien n’exclut d’ailleurs que l’exemple allemand récent ne s’avère au final un tantinet contre-productif. En l’état, il peut aussi servir de référence aux constructeurs français pour obtenir la même sécurité… d’un quart de siècle.

Ne pas sous-estimer les contrefeux des constructeurs

Car même si la 3e tentative de la Feda devait aboutir dans les mois qui viennent, les groupes Renault et Stellantis (ex-PSA) ont de solides arguments à faire valoir pour différer l’insulte législative. Ils argueront avec conviction et force d’exemples du risque létale que leur ferait courir, en ces temps particulièrement troublés, la disparition trop brutale d’une telle manne.

Il ne leur sera en effet guère difficile de convaincre des défis inédits qu’il leur faut relever. La chute abyssale d’un marché VN martyrisé au niveau mondial par la pandémie ne fait que surinfecter les effets déjà délétères pour eux d’une baisse drastiques des émissions polluantes à financer, d’une conversion électrique massive à industrialiser et d’une concurrence internationale -dont la redoutée Chine- exacerbée et menaçante comme jamais. L’habituel argument de dizaines de milliers d’emplois emportés par une loi signant un inéluctable naufrage industriel inquiètera évidemment gouvernement et parlementaires. À commencer bien sûr, par ceux dont les circonscriptions abritent moult salariés d’usines automobiles et équipementières…

Préparer le terrain européen

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Mais dans ce déjà très ancien bras de fer entre le lobby constructeur et celui des indépendants, chaque pouce de terrain conquis est une victoire. Car la Feda le sait évidemment d’expérience, depuis au moins 2007 et ses espoirs déçus d’un vote aussi libérateur que finalement vain du parlement européen : il faudra conduire d’autres batailles avant que la guerre ne puisse vraiment être gagnée.

L’organisation professionnelle des distributeurs voit donc, pragmatiquement, cette possible loi française comme une première marche vers d’autres combats qui se mèneront ensuite à l’inévitable niveau européen. Là où d’ailleurs la FFA (Fédération Française de l’assurance) vient de poser une pierre similaire auprès de la Commission européenne.

Car l’instance communautaire attend à n’en pas douter de telles évolutions nationales pour pouvoir réactiver un vieux dossier : celui d’une unification réglementaire de l’enchevêtrement des législations permettant d’obtenir une harmonisation qui puisse s’imposer une bonne fois pour toutes à l’ensemble des pays de l’UE. Et mettre ainsi fin à une cacophonie anti-concurrentielle de droits protecteurs nationaux dont la pièce de carrosserie demeure l’un des plus criants exemples…

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Jean-Marc Pierret
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