Les impacts de la transition énergétique dans le monde du transport (Feda)
Le dernier club de la distribution automobile, organisé le mois dernier par la Feda, s’est penché sur la délicate bascule du transport routier vers l’électrification. Une transition qui, si elle est certes nécessaire et unanimement acceptée de l’ensemble des parties prenantes, voit actuellement son calendrier s’opposer à un climat des affaires qui ne favorise pas les investissements.
Sur le papier, l’offre est là ; la demande, elle, un peu moins… En matière de transport routier, la transition énergétique ardemment souhaitée par l’Union européenne ressemble en effet – pour l’heure – à un rendez-vous manqué. Tandis que les constructeurs fourbissent leurs armes pour décliner des modèles 100 % électriques dans leurs différentes gammes, les clients transporteurs ne semblent pas prêts à sauter le pas. Les incertitudes économiques n’aidant pas à des investissements encore très supérieurs à des véhicules thermiques neufs plus traditionnels, voire fonctionnant aux énergies alternatives type GNC ou B100. Car ce sont ces dernières qui composent le gros des ventes de véhicules neufs "hors diesel" : « Sur un peu moins de 11 % des immatriculations réalisées hors diesel, les biocarburants pèsent 88 % d’entre elles », confirme Clément Chandon, directeur des propulsions alternatives chez Iveco ! En clair, cela signifie que 1 % seulement des immatriculations de véhicules neufs ont été réalisées avec des véhicules électriques.
Pluralité technologique nécessaire
En parallèle, le maintien du calendrier réglementaire, particulièrement serré (GSR II en 2024, Vecto cette année et prochainement Euro 7), a imposé aux constructeurs des investissements hors norme. Et fait flamber les prix des véhicules neufs. « Les constructeurs doivent courir plusieurs lièvres en même temps », confesse ainsi Gilles Baustert, directeur marketing et communication de Scania France. Dans ce cadre, si le TCO des modèles 100 % électriques s’améliore sans cesse, il ne fait pas tout : « La réalité pour nos clients, c’est que même si on les convainc que le TCO d’un VE est compétitif par rapport au thermique, et l’investissement peut être rentabilisé sur sept ou huit ans, la mise de départ pose encore clairement problème ! », annonce François Perrot, directeur des énergies alternatives chez Renault Trucks.
La décarbonation effective du transport ne semble passer que par la pluralité des solutions techniques, l’hydrogène devant prochainement venir compléter l’offre aux côtés des biocarburants et des batteries de traction électrique. C’est aussi le cas du rétrofit, dont l'un des représentants, Qinomic, a parachevé un écosystème désormais complet avec l’approvisionnement de composants via Stellantis, un accord avec le carrossier-constructeur Gruau pour l’industrialisation de son process de transformation d’un véhicule thermique en véhicule électrique, et enfin un deal avec l’enseigne de centre auto Feu Vert pour l’entretien-réparation de ses véhicules.
Tandem à renforcer
En aval, les réseaux de réparation ne bénéficient pas nécessairement de la faiblesse des ventes VN. Car si le parc a grandi et vieilli sur ces dernières années, l’activité n’est pas au beau fixe chez les clients transporteurs. Hors croissance externe ou diversification, notamment vers l’utilitaire (un segment de marché sur lequel le réseau AD PL par exemple a progressé au point de représenter 15 à 20 % de son activité), les acteurs de l’entretien-réparation multimarque « doivent aller chercher le business, avec des véhicules parfois nombreux restant sur parc chez les clients », relève Jérôme Brunner, directeur des activités PL chez AAG. « Le chantier principal pour 2025 sera la rentabilité de nos adhérents face à la baisse des marges ; la problématique de pouvoir d’achat chez nos clients les pousse à privilégier les MDD et l’entretien est de moins en moins préventif », explique Guillaume Faurès, son homologue chez Autodistibution PL.
Pour sortir de l’ornière, les groupements appellent leurs partenaires équipementiers à davantage de présence. Benoit Migeon, directeur général de TVI, note à cet égard un certain désengagement des équipementiers sur le terrain. « Nous sommes devenus le stock des équipementiers ! », résume Jérôme Brunner… Or, le besoin en expertise et la présence terrain se font sentir à mesure que les nouvelles technologies font leur apparition dans les ateliers. À l’instar du nombre de références à stocker ! « Certains de nos clients grands comptes nous confient leur véhicule à 0 km », appuie en effet le directeur PL AAG. Quelques équipementiers jouent le jeu : bilstein group par exemple continue de recruter pour renforcer sa présence terrain. En outre, sa force commerciale pousse tout à la fois l'offre VL comme PL de l'équipementier. « Avec l'enrichissement perpétuel de nos gammes pour le segment des poids lourds, la double approche VL/PL est une vraie richesse », considère à cet égard Gildas du Cleuziou, directeur général de bilstein group France.
Standards à définir
Autre écueil que la distribution indépendante doit contourner : la menace de la data. Car avant même d’évoquer l’exploitation de la data issue des véhicules connectés, le DG de TVI relève que « la data est en général très peu exploitée du fait d’un manque criant d’harmonisation. Dans l’univers du VI, le “cross-referencing“ est très complexe, chacun ayant construit son propre outil. C’est clairement un frein au développement commercial des acteurs indépendants ! » « Même pour un "simple" diagnostic de véhicule, tout est plus compliqué sur un poids lourds que sur un véhicule léger », ajoute Thibault Castellanos, dirigeant du groupe de distribution éponyme…