Rôle économique de l’expert : plainte du CNPA devant la Commission européenne

Romain Thirion
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Suite à l’arrêt du 2 février 2017 de la Cour de cassation reconnaissant à l’expert en automobile la légitimité d’évaluer le coût de la réparation automobile -y compris le tarif horaire- en fonction de la concurrence locale, le CNPA s’est démené pour alerter les pouvoirs publics sur les conséquences de cet arrêt. Las, c’est devant la Commission européenne qu’il a poursuivi son recours et la plainte a été enregistrée en février 2019.
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C’était il y a un peu plus de deux ans. Le 2 février 2017, la Cour de cassation prononçait un arrêt réaffirmant le principe de la liberté de l’expert d’évaluer le coût de la réparation automobile, y compris le tarif horaire.

Validation de pratiques anticoncurrentielles ?

Elle avait alors estimé que si un réparateur, non agréé en l’espèce, pouvait fixer librement ses prix, l'expert pouvait néanmoins se prononcer sur le tarif horaire applicable, sans être tenu d'entériner les devis et factures présentés par le professionnel, en se fondant sur les prix publics pratiqués par «les professionnels voisins». Une démarche qui n’était pas sans rappeler ce que la Matmut demandait à “ses” experts “agréés” de pratiquer dans une note que nous avions rendue publique en 2014.

On se souvient en outre que le réparateur qui avait emmené l’expert qu’il jugeait fautif jusque devant la Cour de cassation était allé au front “au petit bonheur la chance”, sans s’assurer de la solidité de son argumentaire juridique et qu’il avait dû recourir au dernier moment aux services du CNPA… L’organisation professionnelle avait d’ailleurs fait de son mieux pour sauver les meubles devant les juges, mais ceux-ci devaient finalement privilégier la reconnaissance d’un rôle économique de l’expert…

Un arrêt diminuant le libre choix et la liberté de fixer ses tarifs

«Une telle décision constitue pour le CNPA une remise en cause pure et simple de l’ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix», rappelle d’ailleurs le syndicat dans un article en date du 5 avril sur son site web. «Le CNPA avait déjà alerté, à plusieurs reprises, sur les effets d’une imposition des prix de la réparation par les experts en automobile : gestion de fait des entreprises de réparation, alignements tarifaires, entrave à la libre-concurrence entre les réparateurs et à l’exercice du libre choix du réparateur pour l’assuré», ajoute la fédération.

En outre, l’arrêt met également à mal le droit de l’automobiliste au libre choix de son réparateur. Et bien qu’ayant remué ciel et terre pour convaincre la Cour de son erreur et les pouvoirs publics des conséquences néfastes de l’arrêt pour le réparateur comme pour l’automobiliste, le CNPA n’avait ensuite pas été entendu. Raison pour laquelle, en janvier dernier, il a déposé plainte devant la Commission européenne contre l’État Français, pour non-respect de la législation européenne. Une plainte qui a été enregistrée en février 2019.

Le rôle économique de l’expert forcément flou

«Cette décision surprenante revient à donner aux experts en automobile un rôle d’administrateur des prix de marché, qui répond aux objectifs de compression des coûts d’indemnisation des assureurs, déplore le CNPA dans un article sur son site Internet. Or, l’évaluation des coûts de remise en état d’un véhicule par les experts ne repose sur aucun socle technique et objectif, qui leur permettrait de comparer les prix des entreprises tant sur la qualité des réparations que sur les services annexes. De même, le CNPA dénonce la définition unilatérale par les experts de la zone de chalandise réputée pertinente pour la comparaison.»

Le CNPA n’était d’ailleurs pas la seule organisation professionnelle à dénoncer le flou total entourant le “rôle économique de l’expert” tel que borné par l’arrêt de la Cour de cassation et tel que voulu par les principaux représentants de la profession d’expert elle-même. Mais c’est bien le CNPA qui est allé jusqu’à questionner du bien-fondé de cette décision auprès des instances européennes. En souhaitant que le recours déposé devant la Commission ne reste pas lettre morte… Ce dont nous ne manquerons pas de vous informer, quoi qu’il arrive.

Romain Thirion
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