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Marché freinage : le salut est dans le périphérique
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Après une année 2020 marquée par un recul des volumes, le marché du freinage 2021 est reparti sur les bases du début d’année 2019. Le ratio disques/plaquettes s'améliore progressivement, mais c'est du côté des produits périphériques que les professionnels doivent créer de la valeur. Flexibles, capteurs ABS, frein de stationnement électrique, liquide : la vente additionnelle doit s'imposer.
Dossier réalisé par Romain Thirion
Marché de volumes par excellence, mature par définition, le freinage a tout de même subi les affres de 2020. Toujours sur le podium des causes d'entrées atelier, la prestation a cependant enregistré un recul inhabituel, baisse du kilométrage parcouru oblige. Résultat : « Un marché en baisse de 3 à 4 % », selon Gilbert Soufflet, responsable communication France de ZF Aftermarket. Ce que confirme Anne Decocq, responsable produits freinage de Bosch, avec un soupçon de tempérance : « Les impacts du Covid-19 sur ce marché ont été mesurés. Le freinage a mieux résisté (entre - 3 et - 5 %) que la moyenne des pièces IAM (- 9 %). » L'effet pièces de grande vente, assurément.
2021 familier de 2019
L'après-vente, comme les autres secteurs non reconfinés ce printemps 2021, a démarré cette nouvelle année plus vaillante côté freinage. « Nous préférons comparer 2021 à 2019 et à ce titre, ce début d'année est stable », affirme Yvon Granier, directeur général de MGA. « Nous retrouvons les tendances d'une année normale, malgré un léger recul des entrées atelier », témoigne Pierre Ecorchon, product manager France chez DRiV. Chez Delphi Technologies, Philippe Astier, marketing manager pour l’Europe du Sud, est même optimiste : « Nous sortons d'un super premier trimestre, cohérent avec nos objectifs. Nous relevons même une hausse légère par rapport à 2019, conséquence d'un gros travail auprès des fast-fitters. » Cependant, l'ensemble de l'écosystème après-vente ne s'est pas totalement remis. « On observe toujours sur le marché en ce début d’année des difficultés à livrer parmi les équipementiers. Ceux qui ont la bonne pièce au bon moment en stock sont les grands gagnants », relève Richard Soriano, area manager France de Brembo.
Faire du neuf avec du vieux
Conséquence d'un marché aussi mature : y créer de la valeur n'est pas évident. Certes, le ratio disques/plaquettes s'améliore très progressivement, du fait des efforts de communication des équipementiers, mais ce n'est plus sur la friction pure que la valeur peut se créer. C'est au contraire sur l'hydraulique, en particulier les flexibles et les liquides de frein, éléments pourtant aussi connus que disques et plaquettes, qu'il faut insister auprès du client final. Car leur taux de remplacement est bien trop faible et que le contrôle technique, plus sévère depuis 2018, porte davantage son attention sur ces systèmes-là.
CHIFFRES
• - 3 à - 5 % de volume sur le marché de la friction en 2020.
• 1 disque changé tous les 2,4 jeux de plaquettes* (source : GiPA).
• 5,86 % de non-conformité lié au freinage au contrôle technique (source : OTC).
• 1,38% de non-conformité lié aux seules performances du frein de service (source : OTC).
Disques/plaquettes : le challenge du 1 pour 2
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Développer un marché qui constitue, avec la vidange, le cœur de la révision constructeur, passe d'abord par l'optimisation des fondamentaux. Parmi eux, le disque, qui n'est toujours pas remplacé autant que le souhaiteraient les équipementiers. Même si les efforts sur le marché français commencent à payer, tous les fournisseurs n'affichent pas les mêmes certitudes. Chez bilstein group, Arnaud Pénot, responsable des ventes et marketing, déplore « un taux de remplacement du disque qui bouge trop peu, avec un changement tous les trois jeux de plaquettes ». Sylvain Bourgeais, directeur des ventes France/Maghreb de Continental, décrit « un ratio de l'ordre de 1/2,5 mais qui devrait s'améliorer prochainement ». DRiV, qui s'appuie sur les données GiPA, évoque un ratio d'un disque vendu pour 2,4 jeux de plaquettes aujourd'hui. « Le ratio était encore d'1/2,6 il y a deux ans, preuve qu'il y a du mieux, même si le marché allemand est en-dessous de 1 sur 2 depuis longtemps », signale Pierre Ecorchon.
Suivre l'exemple des réparateurs rapides
De fait, certains équipementiers affirment avoir déjà atteint cet objectif, comme Bosch. « Le ratio d'une paire de disques tous les deux jeux de plaquettes est vraiment rentré dans les mœurs et se retrouve véritablement dans les chiffres désormais », souligne Anne Decocq (Bosch). ZF dit même l'avoir dépassé : « Nous observons un ratio d'un disque changé tous les 1,88 jeu de plaquettes », observe Gilbert Soufflet. Mais tous les canaux de distribution n'affichent pas les mêmes performances. « La France se rapproche du ratio de 1/2 notamment grâce aux efforts des fast-fitters et des centres autos boostés par le succès de leurs opérations commerciales », témoigne Philippe Astier (Delphi). Et Richard Soriano (Brembo) reconnaît qu'une partie du monde de la réparation a su procéder aux ajustements nécessaires pour booster les ventes de disques. « En dehors du contrôle technique renforcé, qui a pu impacter légèrement ce ratio, de plus en plus d’enseignes et de réseaux mettent en place des forfaits intégrant disques et plaquettes, ce qui permet de booster les ventes de disques. »
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Tirer parti des flexibles et liquides de frein
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Face à un ratio disques/plaquettes qui progresse lentement, c'est sur les familles périphériques qu'il faut créer de la valeur. Les flexibles de frein, tout comme les liquides, doivent être considérés comme des leviers de rentabilité. Selon les chiffres de l'Organisme technique central (OTC), qui administre le contrôle technique, le taux de non-conformité lié aux flexibles de frein était de 0,57 % en 2020. Ce qui le place en cinquième position parmi les équipements de freinage, derrière le déséquilibre dans la performance du frein de service (1,38 %), l'usure excessive des garnitures ou des plaquettes (1,26 %), l'efficacité insuffisante du frein de stationnement (1,07 %) et l'usure excessive des disques et/ou tambours (0,75 %). « Le nombre de contre-visites liés au flexible a doublé depuis que le contrôle technique a évolué », souligne Pierre Ecorchon (DRiV).
Une difficile prise de conscience
Le marché a donc réagi, mais de façon encore trop mécanique, au moment desdites contre-visites. « L'usure du flexible est pourtant simple à identifier. Or, le professionnel ne saisit pas l'opportunité de proposer son remplacement au client », déplore Gilbert Soufflet (ZF). La crainte d'alourdir la facture reste extrêmement présente chez le MRA, surtout en période de crise de pouvoir d'achat. Et ce, même si le flexible est une pièce peu coûteuse. Le liquide de frein, lui aussi, peine à décoller pour cette même raison. « Il est fréquemment négligé, contrôlé de manière sommaire, ou complété par un appoint, par manque de temps ou parce que le produit a une valeur limitée », affirme Richard Soriano (Brembo). Et pourtant, les efforts de communication des équipementiers et des fournisseurs d'outillage spécifique sont importants, qui concourent à valoriser la compétence et le sens du service du réparateur.
Une question de sécurité
« 50% des véhicules roulent avec un liquide de frein défectueux car trop chargé en air, ce qui entraîne un risque de "vapor lock", une absence de réaction de l'étrier, qui retarde le freinage. Nous rappelons l'importance de vérifier le point d'ébullition et de purger le liquide tous les deux ans maximum », insiste Gilbert Soufflet (ZF). Une opération qui figure pourtant au carnet d'entretien constructeur, d'autant que l'ESP lui-même peut pâtir d'un manque de performance du liquide. « On peut l’intégrer à d’autres prestations sous forme de forfaits pour faire bénéficier le client d’une offre avantageuse tout en soignant le chiffre de l’atelier », avance Richard Soriano.
Etriers : des parts de marché à saisir
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Fort de l'essor de l'échange standard et de solutions de réparation spécifiques, la réparation d'étrier est en progression, même si les volumes sont restreints. L'OES, qui capte encore l'essentiel des prestations, voit ses parts de marché s'éroder. « Cette famille de produits est plus dynamique ces deux dernières années. Il est notamment nécessaire de vérifier le bon coulissement d’un étrier flottant. Pour cela, Bosch a lancé une gamme de kits de réparation étriers (126 références) avec colonnettes, vis de fixation, capuchons de protection et sachet de graisse spécifiquement conçus pour être compatibles au contact des caoutchoucs d’étriers, sans les endommager », explique Anne Decocq (Bosch). ZF, de son côté, vient de sortir son kit de réparation d'actionneur de frein de stationnement électrique (EPB), afin d'éviter de remplacer l'étrier entier et de ramener du business aux MRA.
L’échange standard toujours privilégié
Néanmoins, lorsqu'il s'agit de changer la pièce entière, l'IAM a la solution. Y compris pour des applications spécifiques. Aisin propose « une gamme de 243 références en échange standard pour les véhicules japonais », selon Bérenger Léonard, responsable des ventes aftermarket de l'équipementier japonais. Car l'échange standard domine l'offre, aujourd'hui, « à hauteur de 75 % du marché : le neuf ne se vend que s'il y a pénurie de carcasses sur certaines applications », souligne Pierre Ecorchon (DRiV). Marque emblématique de l'étrier, avec sa couleur rouge, Brembo propose jusqu'à 3 900 références d'étriers rénovés. Et même un géant comme ZF, sous la marque TRW, réalise 94 % de ses ventes en échange standard.
Qu'attendre de l'électrification ?
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L'augmentation du nombre de véhicules hybrides et électriques dans le parc roulant pourrait, à terme, avoir un impact sur le marché du freinage en après-vente. Parce qu'il faudra toujours ralentir les véhicules et que l'on n'a pas trouvé mieux que la friction pour cela, disques et plaquettes vont perdurer. Même Aisin, équipementier première monte sur les véhicules hybrides de Toyota avec la marque Advix, reconnaît que « les hybrides et électriques ne nécessitent pas de gamme réellement spécifique », selon Bérenger Léonard. Techniquement, en effet, les plaquettes n'évolueront qu'à la marge, au niveau de leurs garnitures. « On peut penser à des ajustements de matériaux ou bien des réductions de taille puisqu’ils seront un peu moins sollicités, ce qui aura également l’avantage de réduire le poids du véhicule et donc la consommation d’énergie », relève Anne Decocq (Bosch). « Les VE nécessiteront des plaquettes de 11 mm au lieu de 18 mm si l'on veut conserver la même fréquence de remplacement », affirme Yvon Granier (MGA).
La chasse au bruit…
La réduction du bruit est également un enjeu dans la composition des garnitures. Le système de récupération d'énergie de ce type de véhicules « n'équipe que l'essieu moteur et réduit l'usure », selon Sylvain Bourgeais (Continental). « Les VE et VH utilisent le freinage régénératif. Le système de frein à disque conventionnel est donc utilisé moins souvent et les plaquettes plus facilement soumises à une corrosion excessive, synonyme de dangers tels que le grippage du système de freinage ou le décollement du matériau de friction », explique Richard Soriano (Brembo). L'objet d'une vigilance supplémentaire pour le réparateur.
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