Pièce de carrosserie : les « libéraux » contre-attaquent !
Deux nouvelles tentatives législatives sont en cours pour abattre le monopole des constructeurs sur la robe des véhicules… Objectif : une entrée en vigueur dès 2022, qui gommerait les derniers échecs de cette mesure devant le Conseil constitutionnel.
« Nous préparons une proposition de loi sur la libéralisation des pièces de carrosserie que nous déposerons dans les prochains jours. Nous avons aussi noué des accords avec d’autres groupes parlementaires pour la faire passer, alors que l’entretien et la réparation auto représente 17,5 % du budget des ménages », annonce le député Damien Pichereau*, à l’occasion du webinaire sur ce marché organisé par le MAP**.
De son côté, Mathieu Séguran, annonce que la Feda n’a pas non plus baissé la garde. « Nous militons pour que la prochaine loi Climat et résilience***, intègre un amendement sur la libéralisation à l’initiative du gouvernement. Il aurait ainsi plus de poids pour éviter d’être considéré comme un cavalier législatif », explique le délégué général du syndicat des distributeurs indépendants. S’il était adopté, la libéralisation du marché du vitrage, des optiques et rétroviseurs serait effective dès janvier 2022. Un an plus tard ce serait au tour des pièces produites par les équipementiers de première monte. Pour tous les autres fabricants, l’ouverture à la concurrence serait effective sous réserve d'une protection de 10 ans (à partir de la sortie des modèles 2022), contre 25 ans aujourd'hui…
Contre-la-montre avant la fin de législature
Prévu pour être adopté avant la fin de l'été, cette proposition de loi ne resterait toutefois pas à l’abri d’une censure du Conseil constitutionnel – comme cela est arrivé en 2019 et fin 2020. Même émis par le gouvernement, certains textes peuvent être censurés. « Des précédents existent », prévient le député.
Cependant, la mise en place d’une proposition de loi spécifique reste plus longue. Elle implique aujourd’hui un délicat contre-la-montre avant la fin du mandat présidentiel. « Nous espérons néanmoins trouver un créneau pour en débattre à l’Assemblée nationale », précise Damien Pichereau. « Bien sûr, lors des débats certains députés défendent le point de vue des constructeurs… Mais leur lobby n’intervient qu’au niveau de l’hémicycle. Le Conseil constitutionnel n’est pas opposé à la libéralisation sur le fond, mais sur la forme. »
Le contre-exemple des voisins européens
Dans tous les cas, les promoteurs de ces propositions de loi sont soutenus à la fois par les assureurs (via la Fédération française de l’assurance), les experts auto (de l’Anea) et les distributeurs. Tous conviennent que les arguments des constructeurs ne tiennent pas face aux exemples de nos voisins européens ayant libéralisés leurs marchés… Ils s’accordent même pour affirmer qu’il ne devrait pas même exister de période de protection. « Sur le principe, c’est comme si pour réparer notre maison, la loi nous obligeait pendant dix ans à acheter volets et parpaings – dix fois plus chers – auprès de son constructeur », expose Vincent Belhandouz.
Le dirigeant d’Aniel Aftermarket en profite aussi pour réfuter l’argument sécuritaire. « Des pièces mécaniques comme les plaquettes de frein sont libéralisées depuis longtemps et de nombreux automobilistes choisissent des références génériques, sans que cela ne choque personne », rappelle-t-il. Tous soulignent aussi qu’ils ne mènent pas une croisade contre les constructeurs, mais qu’ils veulent mettre fin aux effets pervers d’un monopole… Reste à voir s’ils seront entendus par les législateurs.
*Élu LREM, vice-président de la Commission développement durable de l’Assemblée nationale et co-responsable de la loi LOM.
**Observatoire des experts de la mobilité (Anea).
***Reprenant des mesures préconisées par la Convention citoyenne, en réponse au mouvement des gilets jaunes.