La gestion de sinistres s’ouvre au web 3.0

Romain Thirion
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Selon Emmanuel Moyrand, patron du cabinet de conseil Azteq friand de métaphores, le métavers est la voiture et l’IA, son moteur.

L’ère du web 2.0 est terminée et l’heure du "Web 3" est arrivée. Mais depuis leurs ateliers, les carrossiers ne s’en rendent pas forcément compte. Or, les donneurs d’ordres, eux, et en particulier les assureurs s’y projettent déjà, notamment pour ce qui est de la gestion de sinistres. 

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Oui, "se projeter" dans le web 3.0 est le verbe juste, car après le web 1.0 sans aucune interactivité puis le web 2.0, berceau des réseaux sociaux et de la connectivité, on ne naviguera plus "sur" internet mais "dans" internet. Et c’est au cœur de ce Web 3 que se développent aujourd’hui les solutions d’intelligence artificielle (IA), de réalité augmentée et les fameux métavers, ces univers virtuels et persistants dans lesquels toutes sortes d’interactions peuvent avoir lieu. « Le Web 3 est un changement de paradigme majeur et il va mettre trois à quatre fois plus vite qu’internet à être adopté », relève Emmanuel Moyrand, CEO du cabinet de conseil en transformation digitale Azteq et expert en intelligence artificielle et émotionnelle.

Invité à s’exprimer lors de l’annuelle journée technique organisée par SRA le 10 novembre dernier, l’homme a comparé la rapidité d’adoption par le grand public des différentes ruptures technologiques depuis les débuts du téléphone à la fin du XIXe siècle. Et les courbes révèlent que chaque nouvelle technologie a été adoptée beaucoup plus rapidement que la précédente. En témoigne l’essor du smartphone en une poignée de mois suite à la keynote de lancement du premier iPhone par le fondateur d’Apple, Steve Jobs, en 2007.

Casqué pour foncer vers demain

Un Apple qui s’est de nouveau révélé moteur cette année dans le domaine du Web 3 avec le lancement de son casque de réalité mixte Visio Pro pilotable avec le regard, qui sera commercialisé en 2024. Mixte car capable à la fois de projeter son porteur dans le métavers et de l’en faire sortir spontanément en fonction du rapprochement de son environnement physique, qu’il s’agisse de personnes ou d’objets. Un dispositif vendu 3 500 € HT qui ne sera pas à portée de toutes les bourses mais dont les générations devraient vite se succéder et ses spécificités, être rapidement imitées par la concurrence.

Parce que pour accéder « à ce millefeuille technologique qu’est le Web 3 » selon Emmanuel Moyrand, il faut un casque ou des lunettes spécifiques. Et dans le métavers, un avatar interfacé avec des données personnelles, propriété de leur détenteur et cryptées par l’usage de jetons non fongibles – les fameux NFT ("Non Fungible Tokens") – qui identifient de façon unique telle ou telle information au sein de la blockchain. Des termes qui peuvent paraître barbares aux professionnels de la réparation-collision, qui en ont pourtant vu d’autres avec le gateway, passthru et autres remote diag’. Mais des termes qui sont au cœur de la réparation-collision de demain.

Nouvelles générations préparées

Avec plus de 3,2 milliards de personnes qui jouent aux jeux vidéo dans le monde, dont une bonne partie déjà initiée aux univers virtuels et aux casques de VR, le passage des métavers aux environnements professionnels devrait accélérer très vite. Les métiers de carrossier, d’experts et d’assureur n’y couperont pas. « Aujourd’hui, les métavers représentent déjà plus de 700 millions d’utilisateurs par mois. Des entreprises comme Burger King intègrent et forment déjà leurs collaborateurs dans leur métavers privé », souligne Emmanuel Moyrand.

Selon le consultant, en matière de réparation-collision, le Web 3 a déjà plusieurs impacts concrets. En premier lieu, l’immersion qu’il implique permet une meilleure compréhension des facteurs contribuant à un accident, au-delà des rapports et des statistiques. Elle permet également une meilleure identification des risques cachés. La meilleure compréhension des dynamiques du sinistre permet aussi de proposer à toutes les parties des solutions plus précises et plus efficaces. Lesdites solutions peuvent par ailleurs être plus personnalisées et adaptées aux besoins spécifiques de chaque client.

Sur toute la chaîne de réparation, l’immersion permet ensuite de réduire encore les coûts, ce qui n’est pas pour déplaire aux assureurs mais fera certainement plus grimacer les réparateurs. Enfin, la somme de tous ces avantages ainsi que le raccourcissement du lien avec le client, permis par le métavers, peut conduire à améliorer sa satisfaction.

Métavers de la gestion sinistres

Au cœur du métavers, l’intelligence artificielle fait figure d’orchestre et son algorithme, de chef d’orchestre. Et chaque IA sera amenée à travailler avec une autre. D’autant que l’adoption de l’IA s’effectue à vitesse grand V également. « ChatGPT a mis cinq jours pour atteindre le million d’utilisateurs. Et 73 % des entreprises utilisent déjà l’IA selon le cabinet de conseil en stratégie McKinsey », rappelle Emmanuel Moyrand. Qui ajoute que « l’IA émotionnelle peut aider à réduire les risques d’accidents en saisissant tous les signaux faibles du conducteur et de son véhicule, et peut accompagner l’assuré dès les premières secondes du sinistre tout en réduisant le temps de traitement des dossiers de 40 % ».

S’ensuit la création de services sur-mesure et l’émission de données traçables sur toute la ligne, enregistrées sur la blockchain, afin de réduire les possibilités de litiges, les NFT faisant office de certificats numériques permettant de simplifier la mise en place de la preuve. Car la blockchain est « comme un livre de comptes, mais blindé tel un coffre-fort, faisant de l’IA le super-héros des réclamations », plaide le patron d’Azteq.

Ainsi le futur de l’assurance auto pourrait l’organisation autonome décentralisée (DAO). Et donner naissance à des mutuelles d’assurance décentralisées où les membres votent sur les réclamations, prennent des décisions sur les réparations, les pièces à utiliser, etc. Le tout enregistré en NFT sur la blockchain. NFT qui, dans l’absolu, peuvent aussi s’appliquer aux pièces détachées, aux ordres de réparation, aux contrats d’assurance, bref : tout ce qu’il y a de plus concret dans le traitement d’un dossier sinistre.

Romain Thirion
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