Les réseaux de vitrage non agréés réfutent le terme de "mafia"
Refusant d’être mis d’un bloc sur le banc des accusés suite à un article récent publié par Le Parisien, les enseignes hors agrément d’assurance sortent du bois en revendiquant leur respect des standards du secteur.
Les coups de semonce à l’encontre des pratiques promotionnelles abusives dans le secteur du vitrage auto étaient déjà nombreux ces derniers mois, de la part du monde des assurances. Il y avait déjà eu, il y a un an, une proposition de loi visant à faire en sorte que « les avantages promotionnels, le cas échéant cumulés, accordés par le réparateur professionnel à l’assuré dans le cadre de la réparation du sinistre, ne [soient] pas supérieurs à 5 % de la valeur de la prestation de réparation. Ces avantages promotionnels [devant] être mentionnés dans les devis et factures ». Un texte tombé aux oubliettes avec la dissolution de l’Assemblée Nationale en juin dernier.
Plus récemment sur The Extra Mile, conférence d’annonce d’Equip Auto 2025, Allianz annonçait avoir « mis en place un plafonnement des indemnités dans le cadre du bris de glace, afin d’assainir le fonctionnement du marché », par la voix de son directeur de la compensation automobile, Guillaume Poncini. Covéa et son responsable du pôle auto, David Thévenot, de leur côté, déclaraient, « depuis deux ans, avoir remis en place des expertises et en avoir diligenté plus de 30 000, [permettant] de réduire de 40 à 60 % l’écart de prix existant entre centres de vitrage agréés et non agréés, poussée notamment par les cessions de créance » et exiger que, dès 2025, ses assurés lui déclarent tout sinistre de bris de glace en première intention.
Bien opportune enquête
Il leur fallait toutefois alerter davantage l’opinion publique. D’où la très opportune enquête du journal Le Parisien, parue le 25 novembre dernier. Laquelle met en avant les cadeaux faramineux promis par certaines enseignes, souvent marginales ou circonscrites localement – smart TV, robot de cuisine, etc. – aboutissant au gonflement « de 50 % » de la facture selon l’article du quotidien, voire plus. Et l’article de citer les travaux de l’Agence de lutte contre la fraude en assurance (ALFA) sur le sujet, qui a décortiqué les méthodes des centres et réseaux de vitrage aux méthodes frauduleuses, certains allant même jusqu’à… ne pas remplacer du tout le pare-brise après avoir appâté leur client, obtenant de la part de l’assureur le beurre et l’argent du beurre. Le sourire de la crémière étant, lui, pour le fameux client reparti avec le gros lot.
Avec force témoignages de clients obligés de supporter le reste à charge suite au refus de leur assureur de régler la totalité de la facture des centres de bris de glace fautifs, l’enquête ne place toutefois aucune nuance dans ce qu’elle désigne d’un bloc comme les réseaux de vitrage non agréés. Alors qu’au sein même de cette galaxie, certes plus diverse que celle des quelques enseignes agréées comme Carglass, Mondial Pare-Brise, France Pare-Brise, A+Glass ou Glass Auto, il y a un monde entre les pratiques commerciales. Et pour un Elite Pare-Brise, placé en redressement judiciaire le 29 octobre dernier et dont le site web ne fait pas mystère des généreuses pratiques, combien de réseaux autrement plus respectueux des standards du marché ?
Non agréés mais éthiques
Ludovic Vaesken, directeur et cofondateur d’123 Pare-Brise (plus de 125 établissements à date), récemment distinguée meilleure enseigne du secteur, rappelait dernièrement que le réseau ne pratiquait « ni fraude, ni surfacturation : nous nous en tenons aux recommandations des constructeurs. Si l’assurance du client comporte une franchise, nous la lui remboursons. Et s’il n’en comporte pas, nous lui offrons un bon-cadeau de 150 € maximum. Quant aux cadeaux qu’il nous arrive d’offrir à nos clients, lorsque nous le faisons, nous en imputons le coût sur notre marge ». Même si, en cette période de fêtes, le bon cadeau s’élève actuellement à 200 €, le remboursement de la franchise, lui, ne dépasse jamais 150 €.
Une pratique concurrentielle qu’adopte aussi Ouiglass, qui a dépassé la centaine de centres en France cette année. « Notre politique d’offrir la franchise peut être assimilée à une démarche cadeau mais nous encadrons fortement cette pratique. Nous nous basons sur la tarification constructeurs, nous avons un taux horaire relativement modéré sur les secteurs respectifs de nos franchisés et garder le respect des assureurs reste important pour nous », reconnaît son directeur et cofondateur, Hadrien Dijoux. « Sur notre marché, il y a évidemment des abus que nous condamnons également, mais les assureurs font preuve d’un manque de nuance problématique de leur part. L’objectif visé semble plutôt de réorienter vers les ateliers agréés et d’opposer non agréés et agréés », témoigne-t-il.
Agréments distordants ?
Suite à l’enquête du Parisien et au tumulte déclenché, le réseau ZeCarrossery et ZePare-Brise, défenseur du bris de glace comme une activité native du métier de carrossier, a publié un communiqué à l’attention de la presse grand public, pour remettre au clair certaines réalités du marché. « Le taux horaire moyen pour une intervention en carrosserie s’élève à environ 90 € HT selon l’INSEE mais les assureurs exigent que les artisans travaillent à des tarifs divisés par deux, soit 45 € HT, assortis de remises en pied de facture. Ces remises imposées sont souvent supérieures à celles que les réparateurs obtiennent eux-mêmes auprès de leurs fournisseurs de pièces, entraînant des situations de vente à perte. Sans ces volumes garantis [par les orientations des assureurs], de nombreux artisans peinent à remplir leurs ateliers et à conserver leur clientèle », déclare l’enseigne.
D’où le développement de pratiques commerciales incitatives mais mesurées comme le rachat de franchise. « Comme d’autres réseaux non agréés, nous essayons de montrer qu’on ne fait pas n’importe quoi mais nous sommes dans une position d’équilibriste entre dire qu’on n’est pas d’accord avec les pratiques frauduleuses et dénoncer les tentatives d’amalgames », plaide Hadrien Dijoux (Ouiglass). Qui revendique une concurrence saine. Dans cette quête, le réseau s’appuie aussi sur la cession de créance, que les compagnies et mutuelles d’assurance goûtent de moins en moins. Ouiglass, adhérente de la FFC Mobilité Réparation & Services en est une fervente pratiquante et est aussi l’une de celles les plus fréquemment sujettes à des délais de paiement très longs de la part des assureurs dans le cadre de cette procédure tout ce qu’il y a de plus légale. Même si Hadrien Dijoux reconnaît que « les litiges qui vont jusqu’au tribunal sont très minoritaires ».
La FFC Mobilité monte au créneau
La branche Mobilité Réparation & Services de la Fédération française de la carrosserie (FFC) s’est fendue d’une tribune suite à la publication de l’enquête du Parisien. Nous vous proposons de la retrouver ci-dessous.
« La FFC Mobilité réparation et services regroupe 2 300 adhérents, réparant des pare-brise au quotidien et appartenant à des enseignes de vitrage, des carrossiers indépendants avec ou sans enseigne, mais aussi des groupes de concessionnaires, non agréés par les assureurs. Jusqu’en 2020, les assureurs remboursaient les opérations sur les pare brises sur un principe de confiance aux réparateurs. En effet, pour des raisons de coût, il n’était pas nécessaire de faire appel aux experts pour ce type de réparation. Les compagnies d’assurance ont aussi encouragé leurs assurés à se rendre chez leurs réparateurs agréés, qui offraient de surcroit des cadeaux aux automobilistes ! On rappelle, au passage, que ces enseignes, pour être agréées, pratiquent une remise 50 % aux assureurs sur leurs prix public et leurs reversent d’importantes commissions sur leurs factures.
Il est donc détestable de lire dans la presse que certains assureurs parlent de "Mafia des pare-brise". Prendre en ligne de mire les réparateurs non agréés qui ne font que « singer » ce que la plus grande enseigne de vitrage agréée des assurances (Carglass), fait au quotidien, à grands renforts de communication ! Rappelons-le, la règle des cadeaux est légale et inscrite dans le code général des impôts. Le professionnel les prend sur sa marge et les déclare dans sa liasse fiscale. Les non agréés ne surfacturent rien, sachant que les contrats des clients précisent que le remboursement est plafonné aux temps "barèmés" du constructeur en pièces et en main d’œuvre. En revanche, l’assureur, en brandissant l’étendard des cadeaux, souhaite faire supprimer la loi Hamon de 2014, qui permet aux assurés de se rendre chez le réparateur de leur choix. Sa réelle motivation consiste à faire baisser ses coûts, en imposant son barème de remboursement. Les assureurs ont d’ailleurs commencé collégialement et illégalement, en plafonnant leurs remboursements à un tarif unique, pour tous les réparateurs non agréés, qu’ils soient vitriers spécialisés, carrossiers ou concessionnaires.
Pourquoi impliquer toute une profession alors que seulement certains cas isolés de fraude ont lieu ? Les assureurs pourraient remettre les expertises terrain en place. L’augmentation du coût du remplacement de vitres n’est pas imputable à la fraude, mais à l’augmentation galopante du prix des pièces (voir les enquêtes SRA), les SUV ont des pare-brise plus chers que les berlines et la technologie des ADAS présente sur tous les véhicules, justifie une recalibration de caméra obligatoire pour la sécurité des usagers, ce qui augmente les coûts. »