L’accessibilité de la réparation carrosserie en question sur The Extra Mile
Représentants des réseaux de réparation, de l’assurance et des organisations professionnelles ont répondu à l’appel d’Equip Auto le 16 octobre dernier afin d’évoquer les leviers pour maintenir abordable la réparation en carrosserie.
Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant. Le secteur de la réparation-collision est confronté à une hausse du coût moyen de la réparation de 23 % en deux ans et de 59 % en dix ans selon Sécurité & Réparation Automobile (SRA), avec une hausse de près de 30 % sur deux ans et 74 % sur dix ans pour la seule pièce de carrosserie. Ce que Rodolphe Pouvreau, directeur de l’organisme dépendant de France Assurance, n’a pas manqué de rappeler durant The Extra Mile. Et si sur 100 pièces, 71 % étaient remplacées en 2023, le taux de réparation est malheureusement en train de baisser, d’après SRA.
Ombre sur la réparabilité & l’assurabilité
« Sur les optiques, le coût moyen a augmenté de 15,3 % en 2023 et sur les technologies les plus récentes, il n’existe quasiment aucune solution de remplacement sur le marché du reconditionné ou de la pièce de réemploi », déplore Rodolphe Pouvreau. Le prix HT moyen d’un optique Matrix Full Led s’établissant à 2000 €… Rien d’étonnant, dans ce contexte, à voir le taux de véhicules classés économiquement irréparables (VEI) baisser depuis 2020, l’ensemble des nouvelles technologies embarquées faisant grimper sérieusement la valeur résiduelle des véhicules.
« Il y a moins de véhicules classés épaves mais nous ne sommes pas à l’abri d’un risque d’inversion des courbes. C’est pourquoi nous travaillons sur un indice de réparabilité et que nous envisageons aussi un indice s’assurabilité qui s’appuiera sur un indice de "démontabilité" des véhicules et des pièces », précise le directeur de SRA. Qui dit espérer que les constructeurs partagent également les données nécessaires à cet indice afin que le consommateur soit prévenu, au moment d’acheter le véhicule. « Le fondement de l’assurance est la mutualisation du risque. Or, la fréquence des sinistres a beau reculer de par les progrès en matière de sécurité routière ou d’équipements en ADAS, le coût moyen explose. Bris de glace, pièces de rechange et dommages corporels croissent dans des proportions toujours plus importantes », regrette Alexis Merkling, sous-directeur assurance dommages & responsabilité de France Assureurs.
Période d’incertitude
Le monde de l’assurance craint ainsi que devoir augmenter les primes entraîne une réduction du taux de couverture du parc, voire un mouvement de "désassurance" de la part des populations les plus fragiles financièrement. Interrogé sur le spectre du règlement de gré-à-gré entre assureur et assuré dans le cas d’un sinistre dépassant le coût moyen, Alexis Merkling relève que la pratique est « dangereuse car il n’est pas certain que l’assuré utilise la somme obtenue pour réparer son véhicule dans des conditions de sécurité optimales ». Mais craint qu’avec une demande croissante de la part du client, la tendance se généralise.
Logiquement échaudé parce qu’il « n’aime pas que l’on dise que les carrossiers sont trop chers », Laurent Fourcade, président de la FFC Mobilité Réparation & Services rappelle pour sa part que les réparateurs sont les premiers à subir l’augmentation constante du prix des pièces neuves. Surtout les réparateurs agréés, pris entre le marteau des tarifs constructeurs et l’enclume du totem assurantiel du coût moyen sinistre. Carrossier Axial à Toulouse (31), le dirigeant estime qu’il faut « toujours nous laisser le temps de réparer plutôt que nous pousser à remplacer ». Et de citer un exemple issu de son propre atelier, où remplacer une portière de Ford Ka neuve s’élevait à 1000 € quand douze heures de main d’œuvre aurait permis de réparer moins cher, chose toutefois refusée par l’expert local qui n’a voulu accorder que huit à neuf heures.
L’espoir d’une PQE pleinement libéralisée
« Nous attendons donc de la nouvelle charte signée avec la FFEA une meilleure organisation et une meilleure entente avec les experts. Car si nous sommes d’accords sur une utilisation accrue de la pièce issue de l’économie circulaire (PIEC), il faut aussi qu’ils nous donnent davantage de temps pour réparer », plaide Laurent Fourcade. A moins que la pièce de qualité équivalente (PQE) généralisée ne s’impose sur les marques françaises – 60 % du parc au moins – pour permettre de rééquilibrer les coûts sinistres ? « La décision récente du Conseil européen est une bonne nouvelle, il faut libéraliser le plus possible le marché de la pièce de carrosserie », insiste Mads Engberg, président de la Figiefa, fédération représentative du métier de la distribution automobile au niveau européen.
Une libéralisation qui ne sera toutefois pas totale avant 2032 au moins… « La clause de réparation harmonisée n’a permis que de gagner deux ans, pas plus, ce qui ne change pas grand-chose aux difficultés des carrossiers, dont la pièce pèse plus de la moitié de la facture », tacle Christophe Boutemy, directeur général achats & supply chain de Parts Holding Europe, maison-mère d’Autodistribution.
Equilibrer économie et écologie
« Du point de vue de l’assureur, le mot d’ordre est de réparer tant que c’est possible et de viser un maximum de réparabilité. C’est pourquoi nous avons doublé notre taux de pièces de réemploi (PRE) en deux ans, d’autant qu’un véhicule assuré sur deux a plus de quinze ans chez Allianz. Nous nous sommes donc rapprochés d’un panel de centres VHU », explique Guillaume Poncini, directeur de la compensation automobile pour l’assureur allemand. Même s’il craint que l’électrification du parc fasse exploser les coûts de réparation, rendant potentiellement incompatibles les efforts de réduction des émissions des véhicules et les efforts du secteur de la réparation en matière de réparation durable.
Afin d’équilibrer au maximum ses objectifs économiques et environnementaux, alors que les obligations de la directive européenne CSRD frappent à la porte des assureurs, Covéa et son responsable du pôle réseaux automobiles David Thévenot ont rappelé les quatre leviers de leur process de réparation idéal. Primo : l’augmentation du nombre d’heures accordé au réparateur pour faire son métier au lieu de changer automatiquement la pièce. Secundo : la formation à des techniques de réparation pointues, mises en avant par CESVI France, filiale de Covéa. Tertio : l’innovation, notamment via l’impression 3D d’éléments nécessaires à des kits de réparation complets, trop rarement fournis par les constructeurs. Quarto : le recours au contradictoire et la valorisation des heures passées par le carrossier à justifier sa méthodologie auprès de l’expert.
En soutien de l’écosystème entier et de l’ensemble des acteurs du sinistre, des solutions permettant de trouver le meilleur compromis entre écologie et économie ont été mis en avant sur The Extra Mile. Et notamment Solera Sustainable Estimatics, solution créée par la maison-mère de Sidexa et en cours d’intégration dans les systèmes d’information des assureurs. Et prochainement, dans celui des experts avant d’être adapté aux solutions de chiffrage des réparateurs. « Notre solution permet de connaître, pour chaque ordre de réparation, l’empreinte carbone qui sera générée. Et ce, pour chaque type de réparation », rappelle Geoffroy Fontaine, directeur commerce & réseaux de Solera. Ce qui permettra aussi, in fine, au carrossier de communiquer sur la durabilité de sa réparation auprès de son client final.
Le marché du vitrage ciblé
Considéré comme victime d’une dérive tarifaire entraînée par les réseaux non agréés désignés comme trop pourvoyeurs de cadeaux – même si les principales enseignes non conventionnées s’en défendent – le marché du bris de glace fait l’objet d’un serrage de vis de la part des assureurs. « Nous avons mis en place un plafonnement des indemnités dans le cadre du bris de glace, afin d’assainir le fonctionnement du marché », affirme ainsi Guillaume Poncini (Allianz). « Depuis deux ans, nous avons remis en place des expertises et en avons diligenté plus de 30 000. Ce qui a permis de réduire de 40 à 60 % l’écart de prix existant entre centres de vitrage agréés et non agréés, poussée notamment par les cessions de créance. C’est pourquoi, dès 2025, nos assurés devront nous déclarer tout sinistre de bris de glace », tonne David Thévenot (Covéa). Les principaux intéressés, ainsi que les promoteurs d’une cession de créance pourtant tout ce qu’il y a de plus légal, apprécieront.