Recours direct : la Matmut condamnée à Antibes

Romain Thirion
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Le recours direct a fait une nouvelle victime parmi les compagnies d’assurance et, cette fois, c’est la Matmut qui est tombée devant le Tribunal d’Instance d’Antibes suite à une procédure menée par Me. Nathalie Amill, avocat au barreau de Draguignan, pour le compte d’un automobiliste sinistré non responsable dont le dossier avait été suivi par le cabinet d’expertise AAME.

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C’est une nouvelle fois des Alpes-Maritimes qu’est venue la victoire. Une victoire pour tous les assurés non responsables de leur sinistre, pour les réparateurs en quête d’indépendance et pour la profession d’expert en automobile, trop souvent subordonnée aux exigences d’économie des compagnies d’assurance. En effet, la Matmut vient d’être condamnée par le Tribunal d’Instance d’Antibes, le 22 octobre dernier, suite à une procédure de recours direct menée par Me Nathalie Amill, avocat au barreau de Draguignan et spécialiste de ce type de recours.L’affaire s’est ouverte au moment où une Fiat Punto, propriété d’une société de location de voitures, a été percuté par un autre véhicule assuré, lui, à la Matmut, le 29 novembre 2014. Près d’un mois plus tard, le 22 décembre, c’est au cabinet d’expertise automobile indépendant Auto Alpes-Maritimes Expertises (AAME) qu’est revenue la tâche d’effectuer le rapport d’expertise. Mandaté par le loueur, Karim Megrous, l’expert, avait alors évalué les dommages subis à 7 305,07 euros, somme supérieure à la valeur de remplacement à dire d’expert –la fameuse VRADE – fixée à 5 400 euros TTC pour ce véhicule.
Demandes initiales de base
Sans objecter cette valeur, AAME et son client ont donc réclamé à la Matmut, par voie de recours direct, le 26 décembre dernier, une indemnisation de 5 818,62 euros, soit le montant de la VRADE augmenté des 418,62 euros de frais d’expertise dus à Karim Megrous pour son rapport. N’ayant toujours pas obtenu de réponse et encore moins d’indemnisation de la part de la Matmut le 10 mars suivant, le cabinet AAME et son client loueur ont donc, par acte d’huissier, assigné l’assureur devant le Tribunal d’Instance d’Antibes en vertu des articles 1382 du Code civil et, surtout, L. 124-3 du Code des assurances.Car celui-ci, rappelons-le, dispose que « le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable » et que « l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré ». Fort du droit que confèrent ces articles à l’assuré lésé, celui-ci et AAME ont donc réclamé à la Matmut, outre le montant de la VRADE et des frais d’expertise, 1 827 euros au titre du préjudice d’immobilisation du véhicule –soient 29 euros par jour durant deux mois– 2 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens de la procédure.
Ligne de défense éculée
Sans surprise et fidèle aux lignes de défense communément présentées par les assureurs assignés devant le tribunal lors d’une procédure de recours direct, la Matmut a opposé au propriétaire du véhicule le fait qu’il n’ait pas déclaré son sinistre à son assureur. Quand bien même l’article L. 124-3 du Code des assurances précité prime sur les clauses des contrats d’assurances et n’oblige en rien, lorsque l’assuré n’engage pas sa propre responsabilité dans un sinistre, à déclarer celui-ci à la compagnie qui assure son véhicule.Tout aussi éculé, l’argument du non-respect du caractère contradictoire de l’expertise réalisée par Karim Megrous, brandi par la Matmut, omet totalement le fait que la Matmut, en dépit des nombreuses semaines qui ont séparé le rapport d’expertise et l’assignation par acte d’huissier, n’a pas fait procéder elle-même à une expertise contradictoire. Car c’était bien à elle d’en faire réaliser une si elle souhaitait contester les conclusions du rapport d’expertise du cabinet AAME, ce qu’a reconnu d’ailleurs le Tribunal d’Instance d’Antibes, qui souligne que le rapport de Karim Megrous « a été soumis à la contradiction des parties et que celles-ci ont eu la possibilité d’en discuter le contenu ».
Jugement plus que logique
Reconnaissant que la responsabilité du sinistre incombe entièrement à l’assuré Matmut, l’assureur lui-même n’a pu que se rendre à l’évidence : la procédure ne pouvait que lui être défavorable. Et même si le TI d’Antibes n’a pas retenu le préjudice d’immobilisation, le rapport d’expertise indiquant que le coût de remise en état du véhicule est supérieur à sa VRADE et faisant de celui-ci un véhicule économiquement irréparable donc ne pouvant plus être loué, il n’a rien retiré des 5 818,62 euros demandé au départ par AAME et son client.En revanche, le TI n’a pas retenu contre la Matmut le motif de résistance abusive, déboutant ainsi l’assuré non responsable de sa demande de dommages et intérêts. Mais la compagnie d’assurance n’a pas pu se soustraire à la condamnation au paiement des dépens de la procédure ainsi qu’au règlement de 500 euros à son adversaire au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Une conclusion plus que logique, donc, à une procédure qui pourrait faire office de cas d’école pour tout expert en automobile désireux de se lancer dans le recours direct et, surtout, pour tout assuré non responsable du sinistre qu’il vient de subir.
Romain Thirion
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