La bataille du vitrage continue entre assureurs et réparateurs non agréés
Les assureurs dénoncent les “cadeaux” et les tarifs élevés de certains centre de réparation de bris de glace non agréés. La FFC Mobilité Réparation et Services réplique, chiffres à l’appui, et rappelle que la hausse des coûts découle surtout de la complexité croissante du vitrage moderne. Entre accusations de surfacturation et revendication du libre choix, la lutte d’influence se poursuit.
L’enquête diffusée par TF1 le 10 novembre dans son journal télévisé, consacrée aux pratiques de certains réseaux de remplacement de pare-brise, a attisé de nouveau les braises d’un feu loin d’être totalement éteint. Le reportage dénonce les “cadeaux” offerts aux clients – chèques carburant, bons d’achat, appareils électroniques – et pointe du doigt la répercussion que déplorent les assureurs sur les primes à cause de la « surfacturation » des réparateurs non agréés. Les compagnies et mutuelles d’assurance, relayées par leur organisation professionnelle, France Assureurs, s’en sont aussitôt saisies pour rappeler leurs exigences de transparence.
Une ligne qu’avait défendue dans nos colonnes David Thévenot, directeur technique du Groupe Covéa, maison-mère des marques MMA, Maaf et GMF. Lequel rappelait le choix fait de recourir dès que nécessaire à l’expertise automobile avec les réparateurs non agréés pour chaque changement de pare-brise, « seul moyen objectif d’évaluer un dommage vitrage et d’éviter les abus », expliquait-il alors. Une contrainte qui ne pèse pas sur les réseaux agréés, aux grilles tarifaires négociées avec les assureurs. Même si lesdites grilles peuvent impacter leur capacité à investir dans la formation et l’équipement nécessaire à la remise en état des véhicules de dernière génération.
Une campagne d'amalgame ?
Face à ces attaques, la FFC Mobilité Réparation et Services, qui réunit plusieurs des principaux réseaux de bris de glace non agréés, a vivement réagi le 12 novembre dernier. Pour l’organisation professionnelle, parler de “surfacturation” est une erreur de perspective : ne pas être agréé ne signifie pas surfacturer mais « signifie seulement refuser les remises imposées par les assureurs en échange d’un flux », rappelle Christophe Bazin, secrétaire général de la fédération de réparateurs.
La FFCM rappelle que ses 2 450 adhérents appliquent les tarifs constructeurs pour les pièces et les temps de main-d’œuvre. Leur taux horaire moyen s’élève à 89 € HT, quand l’INSEE fixe la moyenne nationale à 96 € HT. Elle souligne aussi que les cadeaux clients évoqués dans le reportage « existent depuis toujours » dans le secteur, instaurés à l’origine par des réseaux agréés, dont le leader du secteur Carglass, et qu’ils sont encadrés fiscalement (articles 28-00 A et 242 nonies A du Code général des impôts). « Ces avantages sont financés sur la marge du professionnel, pas sur la facture adressée à l’assureur », soutient Christophe Bazin.
Des coûts techniques en forte hausse
La fédération met surtout en avant la hausse structurelle des coûts du vitrage automobile, confirmée par Sécurité et Réparation Automobile (SRA). Laquelle est due à la multiplication des capteurs ADAS nécessitant une recalibration systématique à chaque remplacement de pare-brise, aux vitrages chauffants, acoustiques, teintés ou hydrophobes, ainsi qu’aux surfaces vitrées toujours plus grandes et plus complexes à produire. Des contraintes que la maison-mère d’un réseau agréé comme France Pare-Brise, Saint-Gobain, connaît parfaitement. Sans oublier la hausse du prix de l’énergie depuis 2022 et le déclenchement de l’invasion russe en Ukraine. De fait, les données SRA font état d’une augmentation moyenne de 15 % du coût des sinistres vitrage entre 2022 et 2024, liée à la sophistication technique plutôt qu’à un effet de marge.
Côté assureurs, on plaide toujours pour un encadrement tarifaire minimum. Ceux-ci rappellent régulièrement que l’agrément s’accompagne d’un process homogène et de contrôles qualité imposés aux réseaux partenaires. Et déplorent que les cadeaux et remises excessives brouillent leur message de confiance envers les clients. Car lorsqu’ils constatent une différence excessive entre la facture d’un professionnel non agréé et leur propre estimation, les assureurs sont de plus en plus nombreux à ne régler le réparateur qu’à la hauteur de leur propre chiffrage. Laissant ainsi parfois l’automobiliste assuré avec un supplément à payer ou privé du cadeau promis, comme en témoignent plusieurs d’entre eux dans l’enquête de TF1.
Ménager encadrement et libre choix
La loi Hamon de 2014, que défendent logiquement les organisations professionnelles de carrossiers et de spécialistes du bris de glace, garantit à l’assuré la liberté de choisir son réparateur, agréé ou non. Mais plus de dix ans après son vote, celle-ci reste au cœur d’un bras de fer économique. La FFCM revendique ainsi de défendre la diversité du marché. « Tirer un marché vers le bas ne donne plus aux professionnels la possibilité d’investir, de recruter et de former leur personnel. La réparation à bas coût finit ainsi par mettre en danger la vie des conducteurs », déplore la fédération.
La FFCM dit en revanche soutenir « les assureurs dans leur lutte contre les fraudes à l’assurance et leur demande de faire respecter par leurs experts, la charte de bonne conduite qu’elle a signée le 16 septembre 2025 avec la confédération des experts à la demande du ministère de l’Intérieur. Cette dernière s’appuie sur l’expertise contradictoire effectuée autour du véhicule et, non sur des "fausses expertises" sur facture effectuées par des chiffreurs quelques semaines après l’intervention du réparateur ».
Un débat loin d’être clos
L’affaire continue d’agiter la profession. Sur LinkedIn, Benoît Léonard, directeur marketing du réseau Glass Express, récemment adhérent à la FFC Mobilité, a interpellé les assureurs sous le mot-dièse #RendezLArgent. En soulignant, bilan financier 2024 à l’appui, que le leader agréé du marché, Carglass, a versé 24 M€ de commissions aux compagnies en 2024. Et ce, malgré une tarification parfois supérieure à bon nombre de non agréés. « Pourquoi recommandez-vous l’un des plus chers du marché, dont la coûteuse communication repose justement sur les offres depuis 15 ans », lance-t-il aux assureurs. La FFC Mobilité appelle à une reconnaissance du modèle économique alternatif porté par les non agréés.
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